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Enfant unique : un profil type?

 

Un article rédigé par notre partenaire Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Elle répond à vos questions si vous lui écrivez.
   

1. Pourquoi l’enfant unique est-il si diabolisé, a-t-il si mauvaise réputation?
Parce que la croyance populaire veut que l’enfant unique soit égoïste, capricieux, tyrannique, immature. Il semblerait que cela date des années d’après-guerre, époque où il fallait repeupler la France. Il importait de persuader les parents, que pour la santé mentale de leur enfant, ils devaient obligatoirement en concevoir au moins un deuxième, analyse Daniel Gayet, philosophe.
Plus tard, dans les années 70, le jugement porté sur les enfants uniques a changé. 
     
 
2. L’enfant unique est égocentrique, capricieux, gâté mais bon élève... Ces clichés sont-ils encore valables aujourd’hui?
Parce que ce sont des clichés, ces caractéristiques ne sont pas valables pour moi. L’enfant unique est au centre des préoccupations parentales et de leurs désirs et c’est normal puisqu’il est unique. Il est souvent sur-investi. S’il est perçu égocentrique, c’est en partie parce que ses parents, en projetant nombre de leurs attentes conscientes et inconscientes sur lui, vont en faire un enfant auto-centré qui va tout mettre en oeuvre pour y répondre d’autant plus si le cercle familial est fermé sur l’extérieur.
   
 
3. Y a-t-il un profil psychologique de l’enfant unique ?
Je ne pense pas qu’il y ait un profil type car le développement de l’enfant unique va dépendre en partie de son caractère, de sa structure de personnalité, de ses ressources propres, de sa relation à ses parents et à ses pairs.
Comme décrit ci-dessous, l’enfant unique peut présenter des caractéristiques liées au seul fait qu’il est unique. Mais des enfants ayant des frères et sœurs peuvent aussi présenter ces symptômes – tout dépend de comment un enfant est investi psychiquement par ses parents. 
   
 
4. Parmi les enfants que vous rencontrez en consultation, y a-t-il davantage d’enfants uniques? Ont-ils plus de problèmes que les autres?
Non je n’ai pas davantage d’enfants uniques dans ma consultation. Et je ne pense pas qu’ils rencontrent plus de problèmes que les autres.

Sans faire d’une tendance une généralité, je dirai que l’enfant unique est hypersensible au regard des autres. Parce qu’il a été surprotégé la plupart du temps, il présente à la fois un sentiment d’insécurité et un sentiment de toute-puissance. Il est souvent exigeant avec lui-même comme l’ont été ses parents avec lui puisque leurs attentes furent exclusivement dirigées vers lui seul. Il connait parfois la solitude et l’ennui. Il est aussi fréquemment plus mûr que les autres sur un plan intellectuel car il partage de très près la vie de ses parents-adultes.
Mais sa maturité affective se trouve décalée par rapport à son développement cognitif, et il se sent différent, de fait. Il peut en souffrir.

     
Seul au milieu du couple de ses parents, il devient parfois le confident ou le médiateur du couple. Et c’est un rôle très difficile à tenir car d’une part ce n’est pas le sien, d’autre part il n’a pas les ressources pour le tenir. Enfin, cela génère angoisses et culpabilité chez lui (peur de mal faire, impuissance, etc.). C’est depuis cette position qu’il peut prendre la décision soit de se protéger exagérément des autres, soit de les prendre en charge.


Winnicott, pédopsychiatre, disait que «la fratrie a un rôle déterminant dans l’épanouissement de l’enfant» car l’enfant se confronte à d’autres, il apprend à partager, à gérer ses frustrations et la comparaison. Les autres l’aident à développer sa créativité au travers des jeux de rôle, à exprimer son agressivité, à apprendre à la canaliser. Ceci le prépare à la vie en société par la socialisation.
Toutefois, je pense que si l’enfant unique est encouragé par ses parents ou par ses proches, il va aller chercher, à l’extérieur de son foyer, des pairs qui seront comme des frères et sœurs pour lui et lui apporteront autant de ressources riches et variées.
  
  
5. Si on ne veut pas ou on ne peut pas avoir de deuxième enfant, est-ce qu’on fera forcément un tyran de notre enfant ?
Non mais cela demande d’être vigilant sur différents points.
  
 
6. Des conseils pour éviter cela? Que peut-on faire en tant que parents?

  • Ouvrir la famille sur l’extérieur : inviter des copains, des cousins à la maison.
  • Lui proposer de partir en camp, colonie de vacances, faire partie d’une association, faire un sport collectif – tout en respectant son caractère
  • En tant que parents, il est important d’être vigilant quant aux attentes projetées sur son enfant unique, ce qui demande d’être à son écoute, de se questionner sur notre degré d’exigence à son égard. Trop d’exigences l’enferment et l’empêchent de s’épanouir, de se connaître et de s’aimer comme il est – dans la mesure où il tente de répondre aux attentes parentales pour se sentir aimé.
  • Dans le cas de la présence d’un seul parent au foyer (décès, divorce), il est judicieux qu’une tierce personne vienne aider à l’autonomisation de l’enfant qui aura tendance à prendre son parent en charge : oncle, tante, grand-parent, ami de la famille, parrain, marraine, etc.
  • Respecter son intimité, sa croissance, ses étapes d’autonomisation, lui faire confiance en évitant autant que faire se peut de projeter sur lui ses propres angoisses et ses peurs. Dans ce cas, demander de l’aide.

Pour en savoir plus sur le sujet, Anne Jeger est l’auteure du livre « Regard d’une psychologue sur les enfants, la vie de famille et les épreuves du couple. » (A commander sur => lafamilyshop.ch) et chez Payot à Lausanne


Cet article a été rédigé par notre partenaire
Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Elle reçoit des enfants, des adolescents et des adultes confrontés à des ruptures de lien (décès, maladie grave d'un proche, séparation), des difficultés familiales, scolaires ou professionnelles, des problèmes relationnels ou des questions existentielles.

Elle répond à vos questions, si vous lui écrivez.

Commentaires





Chantal
25.03.2016 09:30

Bonjour,
Mon mari et moi avons eu notre fille sur le tard (j'avais 38 ans). elle a maintenant 6 ans et demi et se plaint de s'ennuyer et d'être triste de ne pas avoir de frère/sœur. Elle a des demi sœurs de 21 et 23 ans mais qui ne vivent pas continuellement à la maison. Juliette fait de la danse, et on l'a inscrite chez les scouts. Ayant fait du mouvement de jeunesse étant petite, je me suis dit que ça lui permettrait d'avoir un groupe d'amis fixes....mais pour les enfants de son âge, les animateurs, ce sont les parents. Nous nous sommes impliqués depuis le début de l'année, mais on se rend compte que Juliette ne veut pas y va pas => il y a donc des paradoxes que nous n'arrivons pas à expliquer. Probablement son caractère: plutôt réservée jusqu'au moment où elle est en zone de confiance. Que faire (et comment) quand on voit que le fait d'être unique rend notre enfant "malheureux"?
D'avance je vous remercie
Bien à vous
Chantal Muller
muller_chantal@hotmail.com
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