Il devient autonome et construit petit à petit sa personnalité, sa propre identité en passant par les peurs, la confrontation, la colère, le conflit, les limites que je lui pose, mais aussi mes propres limites comme mère, conjointe, amante...
Comment construire une relation harmonieuse avec mon enfant, dans ma famille, avec mon conjoint?
Petit garçon, on a envie de se « mesurer » aux autres. Petite fille, on essaie la robe, les chaussures de sa grande sœur ou de sa maman.
« Les enfants ont toujours eu besoin d’exemples auxquels s’identifier pour grandir, remarque Line Guillod, médecin associée, coresponsable de l’unité DEPART au Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV. Ce qui change actuellement, c’est que les modèles massivement diffusés – influenceurs-ses, chanteurs-ses, acteur-trices – sont souvent très sexualisés. »
La musique, les habits, le smartphone dans les mains dès dix ans peuvent laisser penser que les enfants sont en avance sur leur âge.
« Il ne faut pas se laisser tromper par cette poussée de consommation, estime Philippe Stephan, pédopsychiatre et responsable du Centre psychiatrique et psychothérapeutique Les Mouettes, à Lausanne. Le smartphone n’est pas un signe d’autonomie ou de maturité chez ces jeunes enfants, mais plutôt une volonté de contrôle de leurs parents. »
Par ricochet, les outils numériques les exposent à de nouvelles peurs – guerre, climat, épidémie… – et sont à même de les faire basculer avant l’heure hors de l’enfance.
« D’un côté, l’accès illimité à l’information permet d’acquérir un plus grand nombre de savoirs, mais de l’autre cela crée d’énormes tensions, convient la Dre Guillod. A nous parents de les protéger en échangeant avec eux autour de l’actualité, en les aidant à comprendre ce qui se passe et qui est parfois sidérant. »
L’étude HBSC* menée en 2022 auprès des 11-15 ans rapporte que les jeunes qui vont plus souvent sur les réseaux sociaux se disent en plus mauvais état psychique.
Jusqu’à ce que la puberté survienne vers douze ans, l’enfant connait une croissance harmonieuse.
« La préadolescence est une période agréable où l’on accepte encore le carcan de l’école, où l’on a des amis stables, note M. Stephan. On aime se faire peur, collectionner des cartes ou sonner aux portes en attendant que les choses se compliquent. »
La transition vers l'adolescence – seins qui poussent, boutons sur le visage, conflits avec les parents – a de quoi inquiéter et on peut se demander si l’on va être à la hauteur.
« Les plus jeunes ont beau avoir vu des films porno, ils restent avec des besoins de tout-petits, considère Mme Guillod. La facilité avec laquelle s'imposent des contenus non adaptés à leur âge n'accélère pas pour autant leurs capacités psychiques à digérer ce qui leur arrive. »
Sans avoir vécu de tels changements technologiques à leur époque, les adultes demeurent les premiers garde-fous.
« Malgré les apparences, les enfants d’aujourd’hui continuent d’être des enfants avec des problèmes de leur âge, souligne M. Stephan. Sauf exception, vous ne trouverez pas dans une classe de fin de primaire, des élèves avec les stigmates de l’adolescence, avec des signes d’excentricité comme des cheveux verts ou bleus. »
S'ils ont gagné quelques pointures dans leurs baskets, si leur univers est assiégé par les marques et les industriels, les étapes du développement émotionnel de l’enfant ne varient finalement pas tant que ça et ça, c'est plutôt rassurant.