Conférence de Mme Elvira Pancheri
Psychothérapeute, thérapeute de famille
En tant que thérapeute, je suis reçois des parents qui ont adopté des enfants. Ils ont beaucoup de questions. L'adoption a évolué ces dernières années; c'est un thème riche sur lequel beaucoup ont écrit.
Qu'est-ce que l'adolescence aujourd'hui?
Organisation du tableau entre la famille adoptive, l'adolescent adopté et la famille biologique de l'adolescent adopté.
On sait qu'il y a eu un travail d'adoption pour favoriser la rencontre entre ces différents acteurs
Il s'est souvent, au départ, établi un mythe fondateur de la réussite de l'adoption: Celui de la famille formidable: on a décidé d'adopter:
Cet acte plein de bonnes intentions suscitera admiration et/ou perplexité dans l'entourage proche. Puis on oublie cette agitation et l'enfant adopté deviendra chez nous, quelqu'un qui nous ressemble, à nous. Il y a une sorte de passage entre l'adoption comme connaissance réciproque pour arriver de plus en plus au fait qu'on est une famille qui vit ensemble et qui est pris dans un amour qui ferait en sorte qu'il y ait une possibilité de filiation.
Si dans ce mythe "nous sommes une famille formidable " notre adolescent nous pose des problèmes, avec l'amour on va essayer de les dépasser. Il faut donc un mythe d'amour très puissant pour pouvoir dépasser les éventuels problèmes.
Mais ce mythe peut rendre aveugle et masquer les choses.
Les différentes adoptions:
La loyauté.
Si on a déjà parlé de l'adoption avec l'enfant adopté, de ses origines, l'adolescent pourra bien vivre cette recherche et ne pas en faire une difficulté. Mais il pourrait y avoir aussi de la part de l'adolescent la tendance de ne pas vouloir faire de la peine à ses propres parents. Il évitera la confrontation et gardera en lui son désir de connaître ses origines. Il se posera la question: dois-je aller voir ou non d'où je viens?
Qu'est-ce que ça va faire à mes parents adoptifs?
La loyauté. L'adolescent revit cette origine comme étant une nécessité pour lui pour y voir plus clair.
L'enfant porte en lui la loyauté par rapport à son milieu d'origine. A certains moments elle peut devenir plus ou moins forte. Nous la portons tous en nous. L'enfant adopté qui ne connaît pas bien son milieu natal est encore plus porteur de cette loyauté.
La balance de justice:
Elle concerne les personnes qui vivent ensemble.
Nous avons, chacun, des comptes à rendre avec nos propres ancêtres, avec notre famille actuelle. Dans le cas d'un adolescent adopté, les dettes et les mérites à calculer sont beaucoup plus complexes.
Si l'adolescent adopté réussi à avoir une vie épanouie, de bonheur, de réussite à l'école, la balance de ses dettes sera bien équilibrée car il sera bien équipé, il aura beaucoup de ressources dans lesquelles il pourra puiser.
L'adolescent qui ne vit pas une telle réussite, qui est moins bien équipé en ce qui concerne ses possibilités et ses ressources restera avec des dettes non réglées qui pourront être très lourdes pour lui.
Chacun doit pouvoir se situer dans l'arbre généalogique de sa famille, afin de déterminer sa propre place.
L'adolescent adopté, lui, doit pouvoir trouver un équilibre entre 2 arbres: celui de sa famille biologique et celui de sa famille adoptive.
Et derrière ces deux familles, il y a tous les ancêtres: ceux de la famille biologique et ceux de la famille adoptive.
Souvent les familles adoptives sont recomposées, et chaque enfant adopté doit pouvoir connaître sa place, pourquoi il est là, au sein de cette nouvelle famille recomposée...
Le nom de famille de l'adolescent adopté est également très important: il démarre dans la vie avec un nom, puis il est adopté et prend un autre nom.
L'importance de la solidité du couple est fondamentale pour l'enfant adopté, car elle lui permettra de garder une place, avec un nom. Plus on est solidaire d'une solution d'équilibre, plus on pourra aider l'adolescent à arriver à cette autonomie car le cheminement de l'adolescent avec ses parents est un cheminement vers l'autonomie, vers la séparation, vers le fait que l'adopté, devenu adulte est un enfant qui puisse poursuivre son propre chemin.
Questions
1) L'enfant doit connaître les circonstances, les faits pour lesquels il a été adopté. Mais je pense qu'il doit aussi connaître les circonstances affectives et sentimentales.
Les faits sont plus faciles à dire que les sentiments. En plus, quand on parle avec l'enfant les parents sont dans une situation différente que lorsque les choses se sont passés. . Les sentiments du départ n'arrivent peut-être plus à être décris.
2) J'ai une amie qui a adopté deux petites jumelles. Cette amie donne régulièrement des nouvelles de la famille biologique à ces deux enfants. Et cette attitude m'étonne. Qu'en pensez-vous?
Les relations par rapport à l'adoption évoluent. On peut "tirer le rideau" par rapport à la famille adoptive pour permettre à l'enfant de se constituer. Mais on peut aussi garder plus le contact. Mais des contacts contrôlés par qui? C'est un domaine fragile, dans lequel il n'y a pas vraiment de règles.
3) Que penser du fait de ne pas dire à l'enfant qu'il a été adopté? De garder le secret.
L'idéal c'est d'arriver à dire à l'enfant qu'il a été adopté. De plus les adoptions sont maintenant beaucoup plus préparées. Chaque situation a besoin d'être comprise dans sa réalité et dans la force qu'il faut avoir à ce moment-là. Je commencerais à m'inquiéter si l'adolescent commence à présenter des symptômes de tristesse, de dépression, de boulimie, d'anorexie,... Plus il y a de dialogue avec les parents, plus il est facile de régler des situations conflictuelles
4) Comment passer d'une relation de ou " ma famille biologique" ou "ma famille adoptive" à une relation de et/et. Est-ce possible de construire une double parentalité?
C'est possible de la construire à partir du moment où on est tous ouverts pour la construire. Il faut trouver une façon de "nouer la gerbe". Si l'enfant est là, c'est qu'il y a une raison à sa présence, même s'il n'a pas été conçu dans l'amour. On peut imaginer l'adolescent adopté dans un chemin: il a été pris avec plein de bagages. L'objectif est de faire cohabiter tous ces bagages ensemble pour remplacer le Ou par le Et. C'est une question de grande sagesse. Dans le bouleversement de l'adolescence, il y aura des pics, des moments dans lesquels il y aura des rejets, l'envie de partir et l'envie de revenir. Puis vers 20 ans il deviendra plus serein et un projet de vie peut démarrer pour lui.
Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de Boissoudy
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