Dans nos sociétés développées, les couples ont enfin obtenu de baser leur union sur l’amour et le consentement mutuel, garants supposés de leur stabilité et de leur bonheur (W.J. Goode, 1964). Dans cet idéal enfin atteint, faire un enfant résulte d’un choix, et se traduit en une prolongation de leur union, une sublimation de leur amour. Du reste, la pression sociale et professionnelle leur impose de n’en faire que peu. Par conséquent, le projet de famille est soumis à la rareté et au privilège. L’enfant rentre presque dans l’ordre du Divin, ou tout du moins dans l’atteinte au Sacré.
Quand les couples, formés dans l’amour et heureux dans leur foyer, sont confrontés à la stérilité de lui ou elle, et à l’impossibilité de faire des enfants, ils en ressentent un profond désarroi. Le «Sacré» se dérobe sous leurs pieds, ils s’en voient injustement, absurdement privés. Et plus grandit le manque, plus grandit leur souffrance. C’est une épreuve existentielle pour eux, et à deux ils doivent la surmonter: s’en remettre au destin, ou lutter pour trouver une solution?
Dans les solutions existantes figure évidemment l’adoption. Mais il existe également les «traitements» de fertilité. Laquelle des deux solutions peut-elle les intéresser? Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.
En Suisse, c’est l’Autorité Centrale Fédérale ou Cantonale qui s’occupe de centraliser les requêtes et compléter les dossiers.
Les conditions sont assez simples pour les adoptants: être célibataire ou mariés depuis plus de 5 ans, avoir 35 ans révolus, et présenter entre 16 ans et 45 ans de différence d’âge avec le futur enfant.
Il faut du reste disposer d’un casier judiciaire vierge et des moyens nécessaires pour garantir au futur enfant éducation, entretien, et dignité. Au projet du Sacré s’ajoute également le projet humanitaire: le couple se sublime, de surcroit en sauvant une vie. Ce serait une solution idéale….si elle était facile.
Malheureusement, les obstacles à l’adoption sont nombreux et parfois irrémédiables.
Comme il y a plus d’enfants disponibles à l’adoption à l’étranger (contre une trentaine par an en Suisse), les couples se tournent vers l’Amérique du Sud, l’Asie ou l’Afrique, en commençant sans le savoir une campagne digne de celle de Don Quichotte. A part le fait qu’ils doivent monter des dossiers dans les deux pays, soumis à des conditions et administrations différentes, s’octroyant ainsi des délais à rallonge pour l’acceptation de leur candidature, ils sont également tributaires de tout évènement imprévu (guerre, catastrophe naturelle ou humanitaire, changement de régime, etc.) qui pourrait retarder, voire annuler leur dossier en cours. Il faut donc compter sur du temps devant soi (non moins de 4 ans et parfois beaucoup plus), avant de pouvoir aspirer à choyer un jeune être, qui le temps passant se fait de moins en moins jeune. Du reste, il est fréquent que les enfants disponibles à l’adoption soient désormais « atteints dans leur santé », le nombre d’enfants abandonnés diminuant avec le progrès dans leur société d’origine.
Dans cette course humaniste et humanitaire, les couples doivent donc se munir de foi et de patience, de quelques milliers de francs suisses (entre 10.000 et 50.000), et d’esprit de concurrence car les couples candidats, eux, sont toujours nombreux. Tous ces obstacles sur le chemin font donc que le parcours à l’adoption, laborieux, long et couteux, de plus ne présente pas forcément de garantie de succès. Autant les couples que les enfants en sortent perdants : c’est une camouflet à notre Sacralité.
Si l’infertilité du couple est légère, et peut se résoudre avec une FIV (stimulation ovarienne pour elle, ponction des ovocytes et fertilisation avec lui, puis transfert des embryons dans l’utérus), alors la solution est simple, moyennant quelque 8.000 ou 9.000 francs suisses. C’est rapide, quelque peu inconfortable, mais le patrimoine génétique des parents est sauvegardé. Les chances de succès dépendent fortement de l’âge et de l’état de santé des membres de couple, et varient donc entre les 2% et 30%. C’est une technique qui n’exige du couple que le fait qu’il soit marié, et ne regarde ni ses moyens financiers, ni son casier judiciaire.
Par contre, si l’infertilité dans le couple s’avère définitive, pour lui ou pour elle, alors il faut penser à la donation de sperme ou d’ovules… c’est une autre façon d’adopter: au lieu d’un enfant dans le besoin, on adopte les gamètes d’une personne (anonyme, dans notre cas), et son code génétique.
En Suisse, toujours dans le cadre du couple marié, la donation de sperme est permise, mais non la donation d’ovules. Dans le premier cas, il s’agira également d’effectuer une stimulation ovarienne, une fertilisation avec le sperme donné, et un transfert final dans l’utérus. Les prix et les délais sont approximativement les mêmes que ci-dessus évoqués, de même que les conditions requises. Par contre, le sperme ayant été sélectionné selon certaines conditions et un excellent état de santé, les chances de succès dépendront principalement des ovules récoltés, en nombre et en qualité, soit entre 2% et 70%.
Enfin, s’il s’agit d’une infertilité féminine définitive, seule la donation d’ovocytes semble être la solution, mais la Suisse ne le permet pas. Pour y accéder, il est possible de s’orienter vers plusieurs pays européens, tels que la République tchèque, la Grèce ou l’Espagne, cette dernière faisant figure de proue de par son expérience, son matériel et les compétences de ses spécialistes.
En Espagne, adhérer à une adoption d’ovules, nommée plus généralement «ovodonation», est simple, rapide, et somme toute économique. Aucune condition maritale, économique ou judiciaire n’est requise, ce qui pour certains est un avantage, mais pour d’autres (et notamment certains professionnels du secteur, soucieux de leur éthique), un possible cas de conscience.
En envisageant de dépenser quelques 11.000-12.000 francs suisses, un couple peut prétendre à recevoir une donation d’ovules, suivie par un processus de fertilisation et transfert final dans l’utérus. Cette technique offre de grandes chances de succès aux couples (en général 60% en transférant deux embryons). Dans les centres les plus connus, en 2 mois et pour des tarifs plus économiques, les couples peuvent espérer accéder à un test de grossesse positif. Dans les centres moins connus et éthiquement exigeants, les délais se rallongent de quelques semaines à quelques mois, car la recherche de la donneuse respecte scrupuleusement les attentes du couple, et les chances de succès s’élèvent plutôt à 80%, car l’attribution de la donneuse se révèle très sélective, exclusive et synchronisée «en frais» avec le couple récepteur.
Il existe de nombreuses solutions pour aspirer à devenir parents malgré les difficultés. Nos couples, si amoureux et pourtant confrontés à la douleur de ne pouvoir sublimer cet amour, peuvent envisager plusieurs solutions: l’adoption ou un cycle de fertilité.
L’adoption remplirait plusieurs fonctions: elle sauverait un enfant du malheur, et un couple de la douleur; elle serait idéale, et non seulement pour cette raison, car les couples-foyers candidats doivent également justifier de moyens économiques et d’un casier judiciaire vierge, garantissant la légitime sécurité du futur enfant à choyer. Et pourtant, l’adoption – pour plusieurs raisons tangibles ou absurdes – s’est transformée en parcours du combattant, voire en mission impossible.
Alors il reste à ces couples l’option de choisir un moyen plus rapide, plus économique et plus fonctionnel:
un cycle de fertilité, voire une donation de gamètes. Cette facilité est tentante, et on ne saurait que trop les comprendre: tant que l’adoption demeurera si inaccessible, les PMA représenteront le meilleur moyen d’accéder à la parentalité.
En dehors de la Suisse, ces techniques sont finalement très peu contrôlées: s’est-on jamais inquiété des conditions psychologiques, financières ou judiciaires des personnes candidates à la PMA? S’inquiète-t-on vraiment des pratiques – bonnes et mauvaises – des cliniques qui les promeuvent, notamment en matière d’ovodonation?
Il est important que les couples qui tentent l’ovodonation soient lucides pour prétendre être suivis dans de bonnes pratiques. Si l’Enfant fait désormais partie de leur Sacralité, il est nécessaire qu’ils se dirigent vers les centres qui parlent de famille, de projet et d’éthique, bref là où les petits mots cachent de grandes différences. Seulement ainsi pourront-ils aspirer à voir leur projet secondés dans le respect et l’humilité. Il n’y a de garantie, dans ces procédés, que d’optimiser les chances. Tout le reste relève du mercantilisme: sous le couvert de «garanties» et de «réaliser des rêves», c’est tout un secteur aux limites déjà trop fluctuantes qui s’entache de pratiques parfois éthiquement discutables.
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