Notre expert
Coparentalité: Séparation, divorce... comment réussir après?

Dr Nahum Frenck, Pédiatre FMH, Thérapeute de famille

Une famille qui divorce est en chantier.
Parler d’une famille éclatée, c’est parler du passé.
Parler d’une famille en remaniement, c’est parler du présent en vue du futur.

Thème est de plus en plus actuel. Il y aura bientôt plus de divorces que de mariages !!

Le divorce n’est pas un évènement ponctuel mais un processus ... Une famille n’est pas un long fleuve tranquille. Il existe une notion d’histoire familiale : Hier conduit à Aujourd’hui et Aujourd’hui à Demain. Chaque famille a son histoire. De la même façon, le divorce se déroule dans le temps avec un Avant, un Pendant et un Après.

Cycle de vie de la famille : Elle et Lui se rencontrent, se fréquentent et se marient. La vie de couple démarre : grossesses, naissances. Les enfants grandissent, d’où des crises évolutives : tournants dans la vie familiale.
Puis il y a le départ des enfants et c’est la phase du « nid vide ». Plus tard il y a la phase du veuvage.
Il y a d’autres cycles et d’autres phases, celle du divorce : alternative possible à l’un des cycles de la famille.

Il y a différents divorces et différentes façon de vivre le divorce. Une étude a été faite sur les rapports que 425 personnes divorcées entretiennent avec leur ex-conjoint :
50% d’entre eux y sont indifférents, 25% éprouvent de la haine et 25% pourraient le réépouser.

Le mobile familial : Il existe, dans ce mobile, différents sous-systèmes :
Les sous-systèmes : père/enfant(s) et le sous-système mère-enfant(s)
Le « sous-système fratrie » : négociations entre les enfants uniquement

La mère et le père sont conjoint et co-parent : chaque rôle est différent. 

Les parents sont reliés entre eux par deux fils, comme des fils électriques au sein d’un gros câble :

Un  rouge : le lien conjugal né du mariage (contrat) et un bleu : le lien co-parental

Dans la vie quotidienne  n’apparaît qu’un gros câble électrique. Et les voltages ne sont pas nécessairement les mêmes sur les deux fils. S’il y a beaucoup de voltage dans le fil rouge, le plastique du fil bleu fond et alors… les plombs sautent ! S’il y a tellement peu de voltage dans le fil rouge, les enfants se chargent de fabriquer de l’électricité dans le fil bleu,  pour en faire passer chez les parents.

  

Situation de divorce : On veut trancher le gros câble avec des ciseaux: mauvaise technique ! Celui qui prend l’initiative de couper reçoit une très forte décharge (du conjoint et des enfants). Il faut travailler sur le fil rouge (lien conjugal) et mettre de la toile isolante sur le fil bleu pour éviter qu’il ne soit touché : c’est la préservation du lien parental qui ne peut être coupé.

La famille éclatée : Cette expression évoque différentes choses :

  • Une famille géographiquement éclatée (saisonnier, hospitalisation, divorce,…).
  • Une famille à fonctionnement éclaté vivant dans un même lieu géographique (couple qui se déteste mais qui reste ensemble, ou qui ne prend pas la responsabilité de la co-parentalité, l’un des deux exerce un travail de nuit avec horaire impossible…)
       

La famille qui divorce : On parle de crise, de catastrophe. Le divorce n’est pas une crise mais la rupture d’un équilibre pour arriver à un nouvel équilibre. C’est une ouverture vers le futur. Bien qu’au moment où ça éclate, ce peut être très dur

Le divorce légal et le divorce émotionnel : A ne pas confondre

  • Divorce légal: moment où  l’autorité compétente déclare le couple divorcé. C’est un acte unique. Mais une fois le divorce jugé ce n’est pas terminé car le lien parental subsiste.
       
  • Le divorce émotionnel: Processus qui s’étend dans le temps et qui générera une instabilité familiale, une souffrance des enfants, de la mère, du père . Il y a réorganisation et remodelage de la structure familiale. Ce qui peut aller d’un changement possible à une rupture totale. D’où des négociations différentes entre l’homme et la femme pour décider de l’aménagement ultérieur.
       

La famille éclatée n’est pas la photo d’un événement.

La famille : système vivant, possédant un potentiel évolutif. C’est un corps vivant qui évolue vers le futur. Et même au plus fort de la crise, on fait bouger le potentiel évolutif. Il n’existe pas de famille qui n’ait pas constamment de contrainte d’évolution.

   

Le divorce : Passage d’une famille nucléaire à une famille bi-nucléaire avec une sorte d’équilibre de part et d’autre :

  • Famille nucléaire: Père, Mère  et enfant.
  • Famille à fonctionnement mono-parentale: Mère plus enfant ou Père plus enfant. C’est une famille bi-nucléaire : il ne doit pas y avoir appropriation par l’un de ce qui est aux deux (les enfants).

Une famille qui divorce est en chantier.
Parler d’une famille éclatée, c’est parler du passé.
Parler d’une famille en remaniement, c’est parler du présent en vue du futur.

   

Comment faire pour réussir un divorce : Le divorce est une construction qu’on peut vouloir réussir.

  • Conjoint et co-parent : Il faut passer de « mon ex » à mon « co-parent » car c’est différent: avec le co-parent on se situe dans une sorte de co-gestion. La co-parentalité est un rôle à investir. Il faut arriver à dire : mon ex-mari est un … mais mon co-parent est quelqu’un de bien. On ne peut juger son conjoint en tant que parent. Seuls les enfants peuvent juger leur parent en tant que parent. Et l’enfant ne se laisse pas acheter. Il jugera en dernière ressource l’un et l’autre parent. L’enfant a une double racine : ½ mère et ½ père : il s’enracine mieux si on le laisse bien s’enraciner avec ces deux racines.
       
  • Influence du régime matrimonial sur la garde d’enfant : Il faut séparer le procès décidant de la liquidation du régime matrimonial du procès organisant la vie de l’enfant. Souvent le but du procès n’est pas de se séparer mais de se nuire. Grâce à la nuisance on est proche. Et deux personnes qui se battent ne peuvent s’éloigner.
      
  • Attention aux sous-groupes: mère/enfant ou père/enfant. Plus la mère ou le père dénigre le co-parent, plus l’enfant se sentant dénigré et identifié à son père/mère s’attachera à lui/elle. L’enfant  amplifiera le message «  je suis comme l’autre ». Ressembler à celui qui n’est pas là est la façon pour l’enfant de pouvoir se constituer comme un tout entre ces deux personnes.
      
  • Thérapie familiale: fait apparaître les compétences propres à toute la famille. Redonne compétence aux familles reconjuguées: chaque parent peut prendre les commandes dans sa famille bi-nucléaire. Contribue à faire prendre conscience et à séparer les relations conjugales et parentales. Travaille le degré de perméabilité des frontières familiales. 
      
  • Préserver l’enfant du conflit de loyauté. On ne doit pas poser la question : avec qui veux-tu vivre ? C’est le juge, après discussion avec l’enfant, qui décidera de l’endroit où il vivra.
      
  • Préserver et encourager les liens avec les familles paternelles et maternelles. Quand les parents vivent en situation de crise les grands-parents peuvent aider, mais sur leur propre territoire.
      
  • Attention à l’établissement d’une relation de type conjugale entre le parent et l’enfant : gommage de la hiérarchie Parent/enfant d’où prise de pouvoir de l’enfant
      
  • Attention aux coalitions intergénérationnelles : enfant/grand-mère avec une coalition contre la mère, enfant/père avec une coalition contre la mère.
        

Soulever l’importance d’une reconnaissance sociale de «la famille en remaniement».

Bien entourer ce type de famille qui vit une crise.

  

Questions 

Notion de frontières :

Ce sont les règles de vie. Quand on vit ensemble, on doit se mettre d’accord sur une brochette de règles. C’est la même chose quand on est séparé. On doit avoir la liberté de mettre ses propres règles sur son propre territoire. Chez moi c’est comme ça, chez toi c’est comme ça. Et l’enfant doit comprendre qu’il y a une complémentarité entre les deux territoires. Ce qui évite les guerres entre les parents et les enfants.

Le téléphone : il peut donner l’impression d’un viol de territoire. Et l’enfant peut soudain être triste après un coup de fil.

Il faut aborder la question de la tristesse avec l’enfant : pourquoi es-tu triste ? ton papa est-il aussi triste ? On ne peut épargner une souffrance ou une douleur à son enfant, mais on peut le soutenir en parlant, en ayant des petits gestes : chez Papa, on peut mettre une photo de Maman à coté du lit, chez Maman on peut faire la même chose.

Bien dire : ton Papa est un bon Papa.

La frontière ne doit pas être étanche : on doit négocier les contacts, travailler la co-parentalité.

   

      

25% des ex-conjoints éprouvent de la haine envers l'autre. Comment la surmonter ?

Cette haine provient de la peur de perdre sa paternité/maternité.

L’autre va me voler mes enfants Il y a une impossibilité physique à imaginer qu’il/elle puisse toucher à mes propres enfants. Seul le temps fait beaucoup de choses. Mais il faut respecter la mère s’il n’y a plus le respect de la femme et dans la façon de s’adresser à l’autre, les choses peuvent évoluer.

Poursuivre une politique constructive, construire une co-parentalité est aussi très difficile au niveau émotionnel.

  

Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de l’association VaudFamille.

Commentaires





Coups de coeur de la semaine

A lire
Nos partenaires