Les générations se suivent mais ne se ressemblent pas. Divorce, famille recomposée ou monoparentale, ces nouvelles réalités ont bousculé les archétypes et par la même occasion, banalisé l’image de l’enfant unique. Dans la cour de l’école, bien des situations cohabitent. « S’il a de bons résultats et parce que les enfants sont cruels entre eux, ils pourront toujours s’en servir contre lui, souligne Yves-Alexandre Thalman, psychologue. Mais, ils peuvent tout aussi bien se moquer de lui s’il a un grand nez, les cheveux roux ou toute autre particularité », relativise le spécialiste. Culturellement suspect, l’enfant unique garde l’image d’un éternel égoïste, inadapté à la vie en groupe.
Le statut de l’enfant a bien changé depuis l’après-guerre. « Unique ou pas, il a beaucoup plus de valeur qu’il y a encore deux générations », constate M.Thalmann. Pas étonnant que cette nouvelle attention soit plus forte dans le cas d’un enfant se retrouvant seul avec ses parents. Pourtant, aucune étude n’a jamais dressé un quelconque portrait-robot, attribué des traits de caractère précis. L’environnement dans lequel il grandit détermine une partie de sa sociabilité. Si ses parents l’ouvrent sur l’extérieur, l’enfant unique ne se sentira pas différent des autres. Et si au siècle passé, il pouvait être stigmatisé par quelques pédiatres ou psychiatres, ceux-ci n’ont pas pu anticiper certaines évolutions. « Les réseaux sociaux ont complètement changé la donne, constate M.Thalmann. Maintenant, l’enfant unique n’est plus seul à la maison. A l’inverse, des frères et sœurs peuvent très bien vivre reclus devant l’ordinateur, leurs jeux vidéo, leur smartphone, et ne plus communiquer entre eux ». Ce qui est sûr, c’est que le premier enfant qui naît fait les parents, et les investit d’une lourde mission éducative.
A la différence d’une fratrie, les parents d’un enfant unique n’ont pas de point de comparaison. Sinon, ils s’apercevraient qu’avec une même éducation, chaque garçon, chaque fille grandit à son rythme et selon sa personnalité. Dès le berceau, la génétique distribue des cartes différentes. « En portant les mêmes soins, le même amour, les parents qui ont plusieurs enfants constatent vite cette réalité », convient le psychologue. Ils n’auront pas la même intelligence, les mêmes envies, les mêmes goûts. Par conséquence, les parents se rendent compte que leur influence est limitée. Ceux qui n’ont qu’un enfant doutent, pensent qu’ils ont raté quelque chose en cas de problème. La culpabilité est mauvaise conseillère. « Les enfants sont fins psychologues, voire manipulateurs, analyse M.Thalmann. S’ils sentent une faille chez leurs parents, c’est là qu’ils vont en profiter ». Et c’est là aussi, qu’ils peuvent endosser une réputation d’enfant capricieux. Par choix ou par circonstance, l’enfant unique n’a pas besoin de traitement particulier et n’est pas à manipuler avec précaution. Ni à plaindre, ni à envier, il évitera un possible risque d’isolement, s’il est confronté dès son plus jeune âge, au monde qui l’entoure.
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