Témoignage 8 – Joane

Notre expert

Désir d’enfant – infertilité – deuils – fécondité
Histoires de femmes et de couples: mort et renaissance

Joane

  

J’avais 22 ans lorsqu’un jour, sans m’y attendre, j’ai découvert que j’étais enceinte.

A ce moment-là, c’est un sentiment à la fois de joie et de tristesse qui m’a envahie. De la joie à l’idée de donner la vie à un petit être qui va grandir en moi et de la tristesse à l’idée de devoir peut-être me séparer de celui-ci qui n’était pas attendu. 

Dans tous les cas, cette nouvelle va chambouler ma vie.

    

Pendant deux mois, mon compagnon et moi avons pris tout le temps possible pour prendre la meilleure des décisions, la nôtre, sachant qu’il n’existait pas un bon choix. Nous avons vu des psychologues de chez P., discuté avec nos parents et notre entourage. Ces moments étaient vraiment difficiles. Ce qui se passait dans mon ventre prenait le dessus sur ma réflexion. Je n’avais pas envie de penser aux raisons qui favoriseraient la décision d’une IVG, car oui il y en avait, sentant vivre en moi celui qui pouvait devenir mon enfant. Pour mon compagnon, qui arrivait à garder plus de distance, l’avortement devenait son choix. J’ai fini par en faire le mien aussi, pas encore convaincue. Je me suis retrouvée au rendez-vous pour l’opération. Les choses se sont succédées sans que je n’arrive à en prendre réellement conscience. C’est au réveil que j’ai réalisé ce qui s'était passé durant mon sommeil…C’est là que c’est devenu très difficile pour moi.

     

J’ai fait une dépression. Tristesse, culpabilité… Des sentiments qui occupaient mon quotidien. Une image insupportable revenait constamment. J’imaginais le récipient dans lequel le chirurgien avait du jeter l’embryon qui pour moi était déjà mon enfant. Ceci m’horrifiait et je n’arrivais pas l’arrêter. Loin de banaliser l’avortement, je n’avais jamais imaginé que ses conséquences pouvaient être si douloureuses. C’est un réel deuil de cet enfant que je vivais. Tout ce que je voulais c’était le récupérer. Les deux mois de grossesse m’avaient déjà laissé le temps de me projeter comme maman.

   

De plus en plus mal, j’ai pris la décision d’aller voir une psychologue. Cette initiative n’était pas des plus simples pour moi. J’avais peur du jugement que pouvait avoir mon entourage à ce sujet. Et pourtant, ce sera une des choses les plus importantes que j’aie entreprise. J’ai suivi une thérapie d’un an et demi. A l’aide de ma psychologue, j’ai non seulement pu accepter mon IVG mais j’ai aussi appris énormément sur mon passé, sur moi et sur ma vie. Grâce à cette expérience, je vis vraiment mieux aujourd’hui.

     

Actuellement, j’ai 26 ans. Eh oui quatre années sont passées…Je vais très bien. Les biens faits de la thérapie m’ont permis de me connaître et d’agir en conséquence. Aujourd’hui, je ne regrette plus mon IVG. Cet événement m’a amené à suivre une thérapie et c’est grâce à celle-ci que j’ai pu régler beaucoup de choses (non liées à l’avortement) qui m’empêchaient d’être heureuse et qui m’auraient aussi empêché d’être une mère épanouie.

 

Aujourd’hui, j’ai un autre compagnon avec qui nous avons le projet d’avoir un enfant. Ce projet me réjouit.

 

Par Anne Jeger, psychologue clinicienne et thérapeute.
Elle assure le suivi de couples infertiles,
de femmes vivant leur grossesse avec difficultés,
et de couples traversant un deuil périnatal.

 

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