Un article écrit par Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Elle reçoit des enfants, des adolescents et des adultes confrontés
à des ruptures de lien (décès, maladie grave d'un proche, séparation, ...),
des difficultés familiales, scolaires ou professionnelles, des problèmes relationnels
ou des questions existentielles.
La plupart des parents sont angoissés devant l’inactivité de leur enfant. Pour eux, un enfant inactif est un enfant qui perd son temps. L’enfant se doit d’utiliser son temps efficacement (cf. son emploi du temps).
Or, l’ennui est signe d’une bonne santé psychique.
C’est dans cet espace du « rien faire » que tout va se jouer. Se confronter à l’ennui peut permettre à l’enfant de développer son imagination et sa créativité. Dans les moments creux où il se plaint qu’il ne sait pas quoi faire, l’enfant va faire appel à ses propres ressources pour inventer et créer. C’est ainsi qu’il a appris à développer son imagination.
Un bref rappel: La capacité à imaginer s’enracine lorsque la mère n’est plus aussi disponible qu’avant pour répondre à la demande de son enfant. C’est dans ces expériences répétées de manque (de lait, de présence maternelle), que le bébé va chercher et trouver en lui le moyen de calmer sa frustration. Il imagine le sein de sa mère ou le biberon et peut se mettre à sucer son pouce. Par conséquent, dans ces moments d’inactivité, l’enfant apprend à inventer, et par là à construire ses compétences à identifier et combler seul ses besoins. Inutile donc de stimuler trop rapidement un enfant qui s’ennuie. Il est important de l’encourager à trouver seul une réponse à sa frustration du moment. C’est un pas essentiel vers l’autonomie. Mais, l’ennui ne doit pas devenir un état, auquel cas il serait inquiétant.
Aussi, dans ces moments de non activité à l’école, certains enfants développent des capacités d’observation qui sont un moyen de découvrir, d’apprendre et de comprendre. En l’observant et en le jouant, les enfants intériorisent le monde et construisent leur identité. Ce temps où l'enfant cesse d’agir lui permet de ne plus esquiver ses émotions et de pouvoir les laisser se déployer dans son espace intérieur. Il apprend à regarder et à écouter ce qui l’entoure, « activité » à encourager. La peur du vide, dans notre société, pousse les adultes à enchaîner activités sur activités... comme pour éviter d’être face à eux-mêmes.
Une inactivité apparente n’est pas synonyme de perte de temps mais bien d’apprentissage, de découverte, de jeu ou de rêve.
Le rêve est essentiel pour le développement de l’enfant. Par l’imaginaire, il réorganise ses sensations et ses sentiments. Il peut également dépasser ses angoisses en se les appropriant pour les exprimer au travers du dessin ou du jeu. Il va faire des découvertes sur sa capacité à puiser en lui les ressources nécessaires pour faire face aux difficultés qu’il rencontre dans sa vie. Les moments où l’enfant semble dans la lune sont des moments de récupération psychique. Il « digère » ce qu’il assimile tout au long de sa journée et de sa vie.
Aussi, à travers le jeu, il exprime ses désirs, ses pensées, ses états d’âme. Ils rejouent des scènes de la vie, sans risque, et trouve des solutions à ses problèmes.
Dans l’espace du jeu, il fait l’expérience de la liberté de penser par lui-même. Il se construit en jouant et développe la confiance en soi.
Les contes sont également des outils thérapeutiques puissants. En s’identifiant aux personnages, l’enfant se sent compris. Il rejoue ses peurs et retrouve ses propres désirs, sans se sentir coupable. Les livres d’aujourd’hui sont trop proches du réel et n’aident guère l’enfant à affronter ses conflits intérieurs et ses émotions parfois violentes.
L’imagination qui se développe en partie grâce à ces moments de temps suspendu, ouvre les portes de la créativité. L’enfant ne fait plus appel à ses capacités intellectuelles mais à ses capacités « émotionnelles », fort peu investies dans notre société. Ce qui touche au corps et au cœur est encore peu valorisé, mais on y vient, tout doucement... Et quand il laisse libre expression à ses émotions, à son intuition, à la création, tout son être vibre ! C’est beau à voir. Malheureusement, peu d’enfants qui ont la fibre artistique sont reconnus. Souvent critiqués ou incompris, ils se marginalisent parce qu’ils ne rentrent pas dans le moule. Priorité aux matheux ! Et la différence fait peur. Bien sûr, il y a d’autres voies pour ces enfants et adolescents mais elles sont, encore une fois, peu valorisées. Et pourtant, ces enfants-là ont beaucoup de chance, celle d’avoir pu développer leur cerveau droit.
Tout cela met en évidence que l’ennui ou la paresse, n’est pas toujours signe de fainéantise. Derrière un enfant inactif se cache peut-être un enfant qui rêve et qui construit sa maison intérieure. C’est un comportement que l’on rencontre souvent chez les adolescents en pleine croissance physique et psychique.
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