Notre expert
A. Les enjeux de la surstimulation des enfants

Un article écrit par Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Elle reçoit des enfants, des adolescents et des adultes confrontés à des ruptures de lien (décès, maladie grave d'un proche, séparation...), des difficultés familiales, scolaires ou professionnelles, des problèmes relationnels ou des questions existencielles. 

Les enjeux de la surstimulation des enfants: trop, c’est trop!

Du point de vue du parent

Beaucoup de parents ont peur pour l’avenir de leur enfant, ils veulent qu’il réussisse dans la vie et misent tout sur les résultats et la réussite. Le spectre du chômage nourrit leur angoisse et c’est légitime.

Cette quête forcenée de réussite prend sa source dans le mythe contemporain de l’enfant parfait, vécu comme une prolongation de soi. L’enfant doit compenser leurs insatisfactions, réussir là où ils ont échoué. Cela commence souvent pendant la grossesse. En attendant leur enfant, les parents ont déjà un projet sur lui. Il a été ou non désiré mais il est dans le ventre de sa mère et déjà, papa et maman imaginent comment sera leur petit : à qui va-t-il ressembler, de qui tiendra-t-il son caractère ? Etc. Les parents projettent sur leur enfant, souvent inconsciemment, leurs propres désirs et projets et c’est normal. Mais…une fois l’enfant là, le désir se confronte à la réalité et parfois, c’est la déception. Pourtant, l’enfant n’y est pour rien. Il est déjà porteur de beaucoup d’illusions parentales et ce n’est que le début…

L’une de ses missions tacites ? Réparer, compenser, et réaliser ce que ses parents ont raté.

Plus tard, il ramène une mauvaise note, c’est comme si on la leur avait infligés à eux, ses parents.

Les réussites autant que les échecs de l'enfant ne sont pas ceux de ses parents.
  

Pour répondre à une injonction très répandue : « Il faut stimuler les enfants dès leur plus jeune âge, c’est le meilleur moment, on nous l’a dit, tout se joue avant 6 ans », les parents se mettent en quête de ce qui sera le mieux pour leur enfant.

On croit bien faire parce qu’on l’a appris, conditionnés par sa propre éducation.

A noter que bon nombre d’enfants ont 2-3 activités par semaine, des fins d’après-midi chargées et des mercredis bien remplis.

Ils subissent parfois le même stress que les salariés en entreprise. « Un enfant qui a passé sa journée assis en classe, qui a fait ses devoirs et qui doit assurer ses cours de violon et de solfège finit par craquer. L’effort physique et psychologique est trop important ». (Etty Buzin)

Dans le domaine intellectuel, parce que c’est bien de celui-là dont il est question, celui-là qui est valorisé à outrance dans notre société, on donne beaucoup à notre progéniture pour être sûr qu’elle sera dans la course, qu’elle sera comme les autres pour ne pas être mise au ban de la société, recalée, et différente. C’est cette différence qui pourrait faire souffrir l’enfant. Et c’est là que le bât blesse. En le stimulant à l’excès, que ce soit par l’achat de jouets, de gadgets, que ce soit par l’inscription à toutes sortes de cours, que ce soit en l’abreuvant de nouvelles informations, si on ne respecte pas son rythme de développement, ni son espace-temps, au sein de la famille, à l’école ou ailleurs, il risque fort de souffrir. On ne peut pas demander à un enfant de faire un marathon alors qu’il apprend à marcher. C’est ce que parfois nous exigeons de lui et c’est impossible !

Les parents comme les enfants sont essoufflés de vivre à ce rythme épuisant « boulot-activités-garde des enfants-dodo-boulot, etc.».

Pressurés eux-mêmes sur leur lieu de travail, ils rentrent fatigués à la maison. Les enfants doivent faire leurs devoirs, alors qu'ils viennent de quitter l’école, fatigués par leur journée.

Ils sont peut-être allés entre-temps à leur cours de musique et à celui de tennis et doivent être sages à la maison. A quel moment ont-ils un moment à eux, seuls, pour souffler, jouer, rêver à être des enfants insouciants ?

Certains parents vont jusqu’à éliminer toute activité ne rentrant pas dans le cadre d’une compétition les préparant ou les condamnant à réussir.

Ce qui génère beaucoup d’angoisses.

Les parents sont plus inquiets qu’autrefois. Ils ont des attentes plus fortes parce qu’ils sont insatisfaits et fragilisés dans leur relation de couple ou au travail, inquiets pour l’avenir. Alors ils ont tendance à tout miser sur leurs progénitures.

Parents et enfants sont dans la même galère et il faut pouvoir s’arrêter une fois dans cette vie vertigineuse pour réaliser qu’il est temps de changer les donnes.

Du point de vue de l’enfant

L’enfant, tout petit, a des compétences psychiques et intellectuelles prêtes à fonctionner. Elles ont besoin de l’interaction avec l’environnement afin de pouvoir s’exprimer. Le petit enfant est prêt à apprendre, à explorer et découvrir le monde qui l’entoure. Mais il a aussi besoin de temps pour intégrer ses nouveaux apprentissages. Il peut donner l’impression de tout assimiler, mais attention, toute nouvelle situation demande une adaptation à la fois psychique et physique. Il peut exister un décalage entre le développement des connaissances et des possibilités de l’enfant, et sa maturité affective. 

L’enfant subit de fortes pressions et le plus souvent avec la notion ou l’obligation de réussir. On lui demande trop. Ne se sentant pas à la hauteur, il se met en retrait, se sent nul et en échec. Il porte son étiquette de mauvais élève comme une malédiction. L’enfant a besoin d’exister aux yeux de ses parents. Alors autant exister de façon négative.

C’est aussi une question de survie. L’enfant harassé et surstimulé peut devenir mauvais élève pour résister. Comme le décrit Etty Buzin, les enfants résistants s’essaient à dire leur refus du système. Ils font des efforts pour lutter contre les pressions multiples exercées sur eux. Les enfants modèles ont accepté de renoncer à leur monde intérieur pour se conformer aux projets parentaux. Ils s’en accommodent, mais à quel prix ? Ils deviennent parfois des adultes angoissés qui courent après le temps mais ne savent plus comment le gérer autrement qu’en le rentabilisant, y compris dans leurs loisirs.

Il en résulte un stress voire un sentiment d’insécurité et de la peur : peur de ne plus faire face, peur de ne pas réussir, peur de l’échec, peur de décevoir ses parents ou l’entourage, peur de ne pas se conformer à l’image que l’on attend de lui, peur de l’école… Beaucoup d’enfants sont fatigués et ils ne demanderaient qu’à arrêter cette spirale dangereuse, mais ils veulent répondre aux exigences de ceux qu’ils aiment de peur de ne plus être aimés.

 

L’enfant se sent à la fois pressuré et frustré de ne pas toujours répondre aux exigences des autres qui deviennent parfois les siennes.

Cette vie fractionnée entre école, activités, devoirs, met en danger son équilibre psycho-affectif qui signifie le renoncement à un légitime désir d’évasion.

 

Commentaires





Minnie
19.10.2015 10:06

Bonjour,

Connaissez-vous des livres pour enfants que nous pourrions lire avec ma belle-fille de 8 ans pour l'aider à se défaire de la peur de décevoir sa maman?

La pauvre est terrorisée de décevoir sa maman, chez qui elle vit une semaine sur deux. Elle est en général très bonne à l'école, mais quand elle fait une note qu'elle juge insuffisante, elle angoisse et fait des crises de larmes à l'école quand elle doit rentrer chez sa mère. Nous en avons été avertis par l'école et la jeune fille qui la garde chez sa mère.
Avec son père ou moi, elle n'a pas peur de parler de ses notes, mais nous demande de l'aider à trouver comment les annoncer à sa mère, et angoisse quand vient le moment du téléphone avec sa mère. Quand elle a des bonnes notes, par contre, elle s'empresse de les lui annoncer.
Cependant, rien de ce que nous pouvons lui dire ne semble la rassurer...

Nous avons essayé d'en parler à sa mère, mais d'après elle le seul problème est que c'est de notre côté que son père ne donne pas assez d'attention à la petite (alors que c'est un papa très attentionné, présent et aimant) et que ne suivons pas assez ses progrès à l'école.

Des conseils?
...
baldille
05.04.2013 15:30

je fais au mieu pour ne pas surstimuler mes enfant j'evite de trop leur parler, de les mettre en contact avec des livres pour être sure qu'ils soient comme les autres. Malheureusement pour mon grand sa maitresse de grande section lui a appris a lire.
...
Caroline
23.11.2012 14:21

C'est bien pour ça qu'il faut laisser du temps aux enfants et ne pas les trimbaler de cours de danse en cours de tennis.
Déjà, aller à l'école, travailler correctement et voir ses copains c'est pas mal!
...

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