Plus l'enfant grandit, plus il a besoin d'intimité. Son corps, ses pensées n’appartiennent qu’à lui et personne n’a à savoir ou à s’immiscer, y compris les parents.
Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions* arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
Inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant, la notion d’intimité peut être pourtant différemment interprétée.
« Elle varie d’une culture à l’autre, d’une famille à l’autre, observe Nino Rizzo, psychologue, psychothérapeute à Genève et président de l’ASUPEA **. A la fois matérielle, physique, psychique et émotionnelle, on parle d’une zone que l’on ne franchit pas de manière arbitraire sans l’accord de l’enfant. »
L’intimité d’un enfant commence par le respect de son corps, de la pudeur qu’il manifeste lorsqu’il ferme la porte des toilettes ou de la salle de bains. « Entre 3 et 5 ans, l’enfant éprouve l’envie naturelle de s’isoler et d’échapper au regard de la famille, remarque M. Rizzo. A partir de ce moment, les parents doivent l’aider à affirmer son individualité et son droit à l’intimité. » L’enfant qui voit son espace personnel préservé va être rassuré, conforté dans son ressenti et saura davantage poser des limites avec les autres. Il pourra aussi dire non et être entendu s'il ne veut pas de bisous ou de câlins imposés lorsqu'il dit bonjour à un adulte, même avec un membre de la famille. « Certains contacts physiques sont réservés pour plus tard avec une fille ou un garçon de son âge et toujours consentis », résume M. Rizzo. Dans un autre registre, les réseaux sociaux où nous exposons et partageons la vie de nos enfants mettent à mal leur monde secret.
Imagine-t-on leur nuire ou porter atteinte à leur intimité quand nous publions en ligne les photos de nos enfants ? Sûrement pas ! « Sur les réseaux sociaux, ils font la fierté de leurs parents, assure Carole Barraud Vial, responsable du pôle prévention d'Action Innocence. Mais que diront-ils plus tard quand ils se verront sur le pot ou en train de courir nu dans le jardin et que ces photos continueront de circuler ? »
Cette pratique a un nom : le « sharenting » — contraction de sharing (partager) et parenting (parentalité). Postés sur WhatsApp, Instagram, Facebook ou TikTok, les clichés de nos têtes blondes en vacances, à la maison ou aux anniversaires peuvent être récupérés et se retrouver parfois sur des forums pédopornographiques.
« Avant de publier une photo, il faut se poser la question de savoir si dans la vraie vie, on l’afficherait partout dans la rue », commente Mme Barraud Vial. Sous prétexte de vouloir protéger leur enfant, les parents ont également un comportement contestable quand ils le suivent sur les réseaux sociaux ou vont même jusqu’à inspecter son smartphone.
« Un téléphone ou une tablette, c’est comme un journal intime 2.0, estime Mme Barraud Vial. Offrir ce genre d’appareil ne donne pas pour autant le droit de fouiller dedans. » Sauf si un danger semble vraiment menacer son enfant, il vaut mieux respecter son intimité, miser sur la confiance tout en restant disponible pour discuter de ce qui pourrait voir ou entendre dans sa vie numérique et qui le choquerait.
François Jeand’Heur
* Ingérences, interventions
** Association Suisse pour la Psychanalyse de l'Enfant et de l'Adolescent
En parler avec son enfant
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