Le harcèlement sexuel * désigne tout comportement verbal ou physique de nature sexuelle et non voulu. Il peut avoir lieu n’importe où, que ce soit à l’école, au travail ou en public; il est donc important de reconnaître les différentes formes de harcèlement sexuel.
Un article écrit par Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Les comportements suivants peuvent constituer du harcèlement sexuel :
- Fixer quelqu’un du regard de façon inappropriée.
- Raconter des blagues à caractère sexuel.
- Montrer ou envoyer (y compris en ligne) des photos, des dessins ou d’autres images non souhaitées à caractère sexuel.
- Exiger des caresses, des rencontres et des faveurs sexuelles.
- Poser des questions ou parler à quelqu’un de sa sexualité, de ses relations sexuelles ou de son corps.
- Provoquer des contacts physiques injustifiés, incluant des attouchements non désirés.
- Utiliser un langage qui rabaisse quelqu’un à cause de son sexe.
- Propager des rumeurs de nature sexuelle (y compris en ligne). Ce qu’on appelle le sexting.
- Menacer de réprimander une personne si elle refuse des avances sexuelles (ce qui constitue des représailles).
- S’adonner au harcèlement (comportement qui fait qu’une personne se sent en danger, par exemple des visites non souhaitées, des appels téléphoniques, des textos, des courriels ou des lettres, laisser des cadeaux ou surveiller la maison ou l’école d’une personne).
*https://jeunessejecoute.ca
Il n’y a pas de profil type. Le harcèlement sexuel peut toucher toute personne cible.
Il est de plus en plus fréquent sur les réseaux sociaux, bien davantage que de manière directe et franche.
Le sexting
Le sexting, qui regroupe la pratique usuelle actuelle, est défini par le chercheur américain Justin W. Patching comme : “L’envoi ou la réception d’images sexuellement explicites ou sexuellement suggestives par l'intermédiaire d’un téléphone portable.”
Dans leur travail de maturité sur le Cyberharcèlement : les réseaux sociaux sont-ils les nouveaux terrains de jeux des harceleurs ? (novembre 2020), Valentine Franchi et Nolwen Etter donnent un aperçu de ce qu’est le sexting :
Il existe deux types de sexting.
- le sexting primaire
La personne partage elle-même une photo dénudée. Cela s’appelle le sexting primaire, terme définit par Elizabeth Ryan.
- Le sexting secondaire
Il se manifeste quand une photo sort du contexte privé cela veut donc dire que le destinataire l’a distribuée sur les réseaux sociaux et que d’autres personnes peuvent voir l’image et elles-mêmes l’envoyer à nouveau.
Ce type de sexting est le plus dangereux: l’envoi d’images débute sous un effet de séduction mais il est très vite rompu par la trahison de l’autre personne. Dans certains cas, les jeunes le font car ils sont amoureux et ne pensent pas que leur partenaire puisse les trahir.
Et comme cela se répand de plus en plus, les jeunes le font pour ressembler aux autres.
Cela arrive souvent que lors d’une rupture, l’un des deux partenaires partage des photos intimes pour se venger.
Mais ils le font également sous pression, certaines personnes forcent l’autre à le faire sous des menaces.
Le sexting secondaire commence à chaque fois par une trahison. Il n’est pas rare d’être trahi dans sa vie de tous les jours mais actuellement avec toutes les technologies existantes, les moyens pour trahir et faire du mal sont bien plus puissants que ceux de l’époque. Le partage d’images et de messages intimes est la plupart du temps pratiqué par des adolescents à partir de 14 ans mais cela se fait de plus en plus.
Les jeunes le font pour se sentir comme les autres sans prendre en compte tous les dangers.
En faisant des recherches sur le sujet et en tapant “sexting” sur Internet, nous avons trouvé des sites expliquant différentes façons d’envoyer ce genre de messages à caractère sexuel ou même des idées de poses pour des photos dénudées.
Nous remarquons donc à quel point ces pratiques se sont normalisées. Ce qui pousse de plus en plus de jeunes à passer le pas car ils voient cela partout et ne se rendent alors pas compte du mal que cela peut causer. Les adolescents utilisent les réseaux sociaux et les messageries pour envoyer leurs photos intimes.
Sur Snapchat, le temps de visualisation de l’image est limité mais cela n’empêche au final pas de pouvoir la garder avec les captures d’écran. Des adolescents souvent très jeunes utilisent leur téléphone sans avoir de règles. Cela a donc de fortes conséquences car les jeunes ne sont pas informés des éventuels dégâts qu’ils peuvent causer avec leurs téléphones.
Au niveau juridique, envoyer des photos de soi dénudé lorsqu’on a moins de 15 ans est illégal. C'est le délit de la pornographie infantile. Dès qu’une personne force une autre à lui envoyer des photos érotiques, il s’agit d’extorsion et la victime peut donc porter plainte. Le fait de menacer de publier des photos intimes est également illégal.
Les signes à repérer
En cas de harcèlement sexuel, on peut ressentir de la honte, de la culpabilité, du mépris, et se sentir en danger. Ce qui peut favoriser le silence. L’adolescent n’en parle pas et se replie sur lui-même. Les enseignants comme les parents doivent être attentifs aux changements de comportement et changements émotionnels de leurs élèves/enfant:
Emotions
- tristesse apparente et chronique
- irritabilité
- anxiété de séparation
- sentiment de culpabilité et de honte
Comportements
- repli sur soi
- agressivité voire violence envers les autres
- baisse de l’estime de soi
- envie de se faire du mal, tentatives de suicide
Troubles psychosomatiques
- maux de ventre,
- maux de tête,
- difficulté à respirer,
- eczéma,
- nausées,
- vomissements…
Troubles d’anxiété scolaire
- chutes des résultats,
- absentéisme,
- refus de l’école (phobie scolaire)
L’enfant victime de harcèlement sexuel répétée peut présenter un trouble de stress post-traumatique.
Il faut s’inquiéter devant tout comportement nouveau et exacerbé.
Que faire quand on soupçonne du harcèlement sexuel?
En tant qu’enseignant
- Repérer les élèves qui sont en retrait, assis devant en classe, seuls à la récréation ou qui ne sont pas dans la cour (ils se cachent parfois dans les toilettes), et ceux qui ne sont pas dans les groupes
- Ecouter si la victime vient à parler sans la JUGER, sans BANALISER et l’orienter vers un médiateur, voire le doyen ou le directeur de l’établissement
En tant que parents
Si vous avez repéré de nouveaux signes préoccupants, que votre adolescent semble vous éviter, il est important de poser des questions, lui montrer que vous vous inquiétez pour lui.
Commencer par des questions indirectes pour éviter qu'il ne se musèle :
J’ai entendu parler d’un jeune qui s’est fait harceler sexuellement via les réseaux sociaux …tu vois qui c’est ? On vous parle de tout ceci à l’école? Je suis là en tout cas si tu veux en parler…
S’il sent que vous êtes disponible et à son écoute, il va s’ouvrir. Il a besoin de vous.
Une fois qu’il se met à parler, il est important de ne pas le juger, ne pas le dévaloriser, ne pas banaliser mais lui permettre d’exprimer ses émotions et ensuite de le rassurer. Il a besoin d’être protégé.
Puis vous recueillez précisément son témoignage : le type de harcèlement sexuel, les faits : dates, lieux, types de message, noms des témoins prêts à témoigner, captures d’écrans, photos.
Enfin, vous lui expliquez que le harceleur doit être arrêté dans ses agissements sinon il va continuer à intimider et agresser d’autres jeunes. Votre enfant sentira ainsi que vous êtes concerné par ce qui lui arrive et qu’il peut compter sur vous.
Comment agir ?
Il faut agir et vite.
Si cela se passe à l’école, la première étape est de s’adresser directement au harceleur et de demander un arrêt immédiat des agressions. Si cette approche n’est pas concluante, il faut :
- Alerter l’enseignant principal et demander une médiation.
- Si l’enseignant refuse d’intervenir, écrire un courrier au doyen ou à la direction de l’établissement – courrier factuel relatant les faits : dates, lieux, types de message, noms des témoins prêts à témoigner, captures d’écrans, photos - accompagné d’un rapport médical et/ou d’un rapport psychologique si l’adolescent consulte. Et demander un rdv en précisant que c’est urgent.
Le doyen de l’école et/ou le directeur de l’établissement va :
- Recueillir le témoignage de la victime
- Mener des entretiens : avec les témoins, avec l’auteur présumé s’il est connu, avec les parents de la victime, des auteurs et des témoins
- Décider des mesures de protection pour la victime et des mesures de réparation ou de sanctions pour le harceleur
ATTENTION : L’anonymat via les réseaux sociaux empêche ce type d’intervention. Si votre enfant est en danger, il faut porter plainte et prendre contact avec un centre LAVI pour être soutenu. Les témoins sont précieux dans ce type de cas.
Selon les recherches de Valentine Franchi et Nowen Etter, il existe trois types de témoins, comprenant chacun différentes catégories.
Le premier type est le témoin qui est aux côtés du harceleur lors de l’envoi d’un message, le deuxième est celui qui se trouve avec la victime lors de la réception de ces messages, puis finalement, le dernier type est celui où les témoins observent à distance l’acte de harcèlement. Il est parfois difficile de les classer dans l’un ou l’autre de ces trois types de témoins. En effet, tout ne se résume pas à un harceleur, un ordinateur et une victime. On peut classer les types de témoins à distance dans différentes catégories car il en existe plusieurs profils.
Il y a donc six catégories de témoins dans le cyberharcèlement.
- Les Supporters qui sont aux côtés du harceleur et qui participent eux-aussi aux actes. Ils encouragent les harceleurs par des rires, par exemple. Ce sont les mêmes que ceux qui harcèlent à l’école sauf qu’ils se trouvent derrière un écran.
- Les Défenseurs sont ceux qui sont auprès de la victime, qui apportent leur soutien et leur réconfort, notamment après les faits, lorsque la victime est souvent seule tant psychologiquement que physiquement.
- Les Observateurs, ils ne sont d’aucun côté mais ils observent les faits. Ce sont des témoins passifs, ils n’agissent pas et ne font rien pour agir. Ils sont beaucoup et voient toute la scène, ce qui représente une honte pour la victime.
- Les Relayeurs sont ceux qui ne participent pas directement aux actes mais qui vont ensuite relayer et partager les informations et les images plus loin. Le problème dans ce cas-là, est qu’ils sont beaucoup à partager ces informations (photos, vidéos) sans savoir si elles ont été prises avec consentement. Les partages se font tellement rapidement que la question ne se pose même plus de savoir si l’envoi est permis ou non.
- Les Surenchérisseurs commentent sous les publications. Chaque commentaire est de plus en plus méchant et moqueur, c’est de la surenchère, d’où le nom Surenchérisseurs. Les commentaires ne sont pas triés par le site ou l’application et restent donc jusqu’à ce que la victime décide de les effacer par elle-même.
- Les Modérateurs sont le contraire des Surenchérisseurs. Ils commentent des choses gentilles et bienveillantes. Ils invitent les autres à arrêter leurs moqueries, mais leurs messages sont rares et donc par conséquent trop faibles pour réconforter la victime après toutes les injures subies.
Prévenir le harcèlement
- En famille
En amont, pour prévenir le harcèlement sexuel, il faut en discuter le plus tôt possible avec son enfant et son adolescent.
S’appuyer sur des brochures : Le cyberharcèlement cf. Prévention suisse de la criminalité : Brochure gratuite à télécharger
- En classe
Il faut aborder le sujet lors d’une période: expliquer, informer, parler concrètement du harcèlement physique, psychologique et sexuel, de la contrainte, du chantage (comme le racket ou les menaces en tout genre), de la manipulation.
Poser des questions : A partir de quand commence le harcèlement scolaire et sexuel ? Qui peut être harcelé ? A partir de quand suis-je complice d’un harcèlement ? Qu’est-ce que l’empathie ? Etc.
Travailler avec eux sous forme de jeux de rôle la notion d’empathie, les enjeux de pouvoir et les enjeux affectifs (chantage affectif), et les faire réfléchir sur les conséquences de leurs actes et donc sur leur responsabilité : éviter de rire en groupe et donc d’encourager le harcèlement, de transférer des messages humiliants sur les réseaux sociaux, autrement dit : soutenir la victime, signaler les messages dégradants et le harcèlement à un enseignant/un adulte (à plusieurs si nécessaire), interpeler le harceleur. Car ne rien dire fait du témoin un complice.
Evoquer aussi la notion du respect de soi et des autres, de l’interdit et des règles pour bien vivre ensemble et des conséquences quand elles ne sont pas respectées - comme la sanction.
Il est urgent de prévenir, de réagir et de protéger nos enfants du harcèlement sexuel qui sévit chaque jour et à chaque seconde sur les réseaux sociaux.
Les conséquences sont graves et parfois irréversibles.
Pour en savoir plus sur le sujet, Anne Jeger est l’auteure du livre « Regard d’une psychologue sur les enfants, la vie de famille et les épreuves du couple. » (A commander sur => lafamilyshop.ch) et chez Payot à Lausanne
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