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Pratique de Cochem, médiation familiale

Cochem, un modèle de médiation à suivre

Afin de préserver les enfants lors d’une séparation, Monthey expérimente un nouveau système où la médiation joue l’arbitre entre des parents qui se déchirent.

« Je rêve que mes parents se comportent et communiquent normalement, qu’ils nous épargnent et arrêtent de nous faire payer leurs échecs. »

Bien des enfants souffrent et se retrouvent au milieu des tensions d’adultes. Conflit de loyauté, perte du lien avec l’un des deux parents, ils se sentent souvent pris en otage.

« Ils peuvent subir les dommages collatéraux d’une dynamique de la terre brûlée où personne ne dialogue, constate Christian Nanchen, chef du service valaisan de la jeunesse, à Sion. Depuis 2015 avec l’Observatoire cantonal de la jeunesse, nous avons mené en Valais une réflexion pour savoir comment changer les choses. »

De l’étude de ce qui se fait ailleurs en passant par un rapport sur la place des enfants dans les procédures de séparation et de divorce, on en arrive à l’organisation d’un séminaire avec la juge belge Marie-France Carlier qui pratique le modèle de Cochem au tribunal de la famille et de la jeunesse de Namur depuis 2012. Cette réunion rassemblait magistrats, avocats, travailleurs sociaux, médiateurs, autorités de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA).

« La force du modèle est de sensibiliser tous les acteurs à l’intérêt de l’enfant, explique M. Nanchen. Et de les amener à se parler, à ne plus travailler en silo. »

Au rythme d’une fois par mois, ces professionnels vont se retrouver pour voir ce qui fonctionne, ce qui pose problème et tâcher de faire sérieusement bouger les lignes.

Un terrain d’entente

Le modèle de Cochem vient d’Allemagne, d’une petite ville au sud de Bonn où il est appliqué depuis les années 90. Au centre de son fonctionnement, il y a la volonté d’agir ensemble vers une solution concertée entre les parents et d’aboutir le plus rapidement possible.

« Travailler en équipe avec tous les intervenants, je me demande si ce n’est pas concrètement difficile à mettre en place, s’interroge Maître Anaïs Brodard, avocate et médiatrice FSA à Lausanne. Mais contraindre les parents à s’informer sur les modes amiables, leur rappeler leurs responsabilités communes est primordial. »

Certains hommes, certaines femmes pensent qu’une décision de justice va leur donner satisfaction, mais ils en reviennent après des mois, des années de lutte qui leur coûtent cher émotionnellement et en honoraires d’avocat.

« Tenter la médiation avant de se lancer dans une action judiciaire est un vrai changement de paradigme, considère Anne Vachoux, présidente de l‘association vaudoise pour la médiation familiale (AVMF), à Lausanne. C’est une option où chacun va être entendu et va pouvoir réfléchir à la suite. »

Du côté des avocats, la peur de perdre des clients et une part de leur chiffre d’affaires peut être un frein à la médiation « Financièrement, une procédure contentieuse rapporte beaucoup plus qu’une procédure extrajudiciaire, convient Mme Brodard. Mais surtout, les avocats n’apprennent pas durant leurs études le mode de résolution amiable. Ils vont donc naturellement conseiller leurs clients sur les possibilités judiciaires. »
Pris dans le système malgré eux, les parents s’engagent dans une logique gagnant-perdant en oubliant qu’au final personne n’en sort indemne.

La médiation, La voie du milieu

En attendant que Cochem ne se généralise dans toute la Suisse, le droit collaboratif est une alternative en cours dans le canton de Vaud. Les avocats des deux parties travaillent à un accord global commun. Tout y est passé au crible : autorité parentale, droit de garde, lieu de résidence des enfants, contribution d’entretien, partage des avoirs de prévoyance, de retraite… Prônant l’écoute mutuelle, la bienveillance, les avocats ont obligation de tomber d’accord.

« En cinq séances, nous devons trouver un arrangement, résume Mme Brodard. Tout le monde tire dans le même sens sinon, nous sommes dessaisis du dossier et notre mandat est résilié. » Les avocats ont un grand rôle à jouer dans la désescalade des conflits.

Dans le modèle de Cochem, la concertation offre aux interlocuteurs une vue globale et éclaire le juge sur la décision finale à prendre. « Il va avoir connaissance de l’ensemble des répercussions financières et psychosociales, observe Mme Vachoux. Le travail en réseau limite les effets de possibles erreurs. »

En ayant pris part à l’élaboration des conditions de la séparation, les parents respectent davantage le jugement émanant du magistrat.

Le modèle de Cochem enregistre un taux de réussite quasi parfait avec 95% d’accords lors de la première audience et 98% sur les 5 % restants lors de la deuxième audience.

En Suisse, près d’un mariage sur deux finit par un divorce et ce sont plus de 12.000 enfants mineurs qui sont directement touchés. S’ils vivent un moment difficile et douloureux, heureusement la plupart d’entre eux s’en remettent pour peu que leurs parents se parlent dans un respect mutuel. « Quoi qu’il arrive, les parents restent des parents et vont devoir garder le contact, juge Mme Vachoux. Ce n’est pas un simple problème de voisinage ou un différend commercial. Ce n’est ni avec votre voisin ou avec un vendeur que vous allez décider où les enfants passent Noël cette année. » La coopération entre les professionnels impliqués, la révision des schémas habituels sont les enjeux du modèle de Cochem avec au bout, le bien-être de l’enfant, le climat positif dans lequel il va continuer de grandir.

François Jeand’Heur

 

 

 

 

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