Résumé d'une conférence du Dr Nahum Frenck,
Pédiatre FMH et Thérapeute de famille.
Dans cet article :
Dans les jeux réside la stimulation qu’il peut y avoir entre les parents et l’enfant. Un enfant de deux mois participe déjà aux échanges sociaux : lorsqu’il sourit, que sa maman lui répond avec un autre sourire, elle stimule son enfant. Ensuite viennent les gazouillis divers qui relèvent de l’échange émotionnel existant entre l’enfant et l’adulte.
Ces jeux d’interaction sont très importants : à travers eux l’enfant va se connaître et voir ses propres compétences.
Son pouce ou la lolette ou quelque chose avec lequel il peut échanger. C’est son premier acte d’autonomie qui illustre l’interaction de l’enfant avec une partie de son corps. L’objet transitionnel, le nounours ou le chiffon, sert à l’enfant pour faire la transition entre ceux qui s’occupent de lui et l’extérieur. Pour Brazelton, c’est la « béquille pour la transition de la dépendance à l’indépendance ».
L'enfant aura ensuite des idées magiques et essayera de nouveaux rôles pour lui : il aura des amis imaginaires (surtout chez les filles et les enfants uniques) d’une grande importance. Création de l’esprit de l’enfant, ils peuvent servir à remplacer un parent absent, compagnon de jeux, un conseiller, un consolateur, un compagnon pour un long après-midi. Cet ami imaginaire est tout à fait naturel et il lui fait beaucoup de bien. L’enfant en âge scolaire commence à s’intéresser au monde extérieur. Il transfert son intérêt à l’école. Et vers la deuxième primaire il sera beaucoup plus préoccupé par l’opinion des copains que par celle des parents. C’est là que commence le frottement entre copains et parents.
Pas facile : certains sont très solitaires, d’autres ont beaucoup d’amis et d’autres encore se sentent mal s’ils vont chez les copains.
Une relation doit être commencée, maintenue, entretenue et, si elle le doit, terminée : certains enfants peinent à se faire des copains, d’autres à maintenir une amitié sur le long terme, d’autres à terminer une amitié, d’autres ont l’angoisse totale de quitter l’école car ils doivent quitter les copains. Il est important de savoir où l’enfant a une difficulté car si on veut l’aider, il faut savoir comment.
Certains enfants n’arrivent pas à bien comprendre les messages des autres. Les parents ont alors la tentation de devenir une sorte de « traducteur/entremetteur ». Ce n’est pas souhaitable : Quand on parle copain pour l’enfant, on parle déjà de jardin secret, les copains font partie du jardin secret de l’enfant. Si le parent en est trop près, s’il en sait trop de choses, ce jardin ne peut se créer. Le rôle des parents est d’en sentir quelques odeurs sans savoir ce qu’il y a dedans.
« Nerds » : C’est un enfant brillant, fort à l’ordinateur. Ça va très bien avec les parents, mais il est maladroit dans la relation sociale, il a du mal à s’intégrer dans une équipe, est un peu coincé. Il a beaucoup de peine à lier des amitiés: à la commencer ou à l’entretenir. Il s’accrochera à un copain et devenir une sorte de sangsue.
Se situe sur l’axe de la dépendance à l’autonomie. L' « attachement enfant » doit évoluer vers l’ « attachement adulte ».
On pense souvent que devenir autonome c’est se détacher. C’est faux : plus on est attaché affectivement, mieux on peut entreprendre cette démarche de l’autonomie. L’attachement ne doit pas changer mais la dépendance doit devenir autonomie, car elle doit s’inscrire dans un processus d’individuation.
L’enfant doit devenir un « je individu » : il y a plusieurs étapes pour cette individuation
Le « je individu » doit exister avant l’autonomie : souvent on confond individuation et autonomie, on escamote la maîtrise et on est déjà dans l’indépendance. Autonomie : tu es suffisamment grand pour… On lui rappelle qu’il devrait être suffisamment autonome pour aller faire pipi tout seul, par exemple. Or, il est indispensable que l’enfant puisse avoir des repères clairs pour savoir ce qui est permi, défendu, obligatoire et dangereux, ce qui lui permet de s’orienter dans les relations qu’il a avec ses copains, dans le temps qu’il passe avec ses copains, la famille. Ces points de repère on les donne tout au long de la vie.
Appartenir et être attaché fait partie essentiellement de la relation avec la famille. Avec les pairs, il y a « je me compare à » : une des premières fonctions des copains est de pouvoir permettre de s’identifier à ses pairs par mon look, ma façon de parler…
Le risque : je me calque sur mes pairs. C’est un aspect de la relation avec les copains qui fait peur aux parents.
Il est influencé par les copains autant qu’il influence les copains. Je me calque sur mes pairs s’il y a une identification. Il n’aura pas la possibilité d’être lui-même. Mais il doit passer par cette identification avec ce risque de dérapage. Mais il peut aussi passer d’une dépendance au groupe familial à une dépendance vers le groupe de copains.
Dans cette oscillation de « Je suis moi-même » et « J’appartiens à ma famille » il y a un « suis » qui est très important :
D’où, l’importance, quand on parle des copains, de parler d’individuation et d’autonomie. Plus le jeune est considéré comme un « je individu » et « je autonome », moins il y aura de dépendance (car autonome) et moins il risquera de se calquer au groupe. Pour développer cet axe d’autonomie, il faut leur donner des responsabilités, pas des devoirs : le transfert de responsabilité est essentiel pour exercer son autonomie. S'il n’y a pas transfert, il ne peut être autonome. Avoir le droit de faire la vaisselle est une responsabilité : c’est un droit qu’on donne à un grand, pas à un petit.
Il y a toujours dans le fonctionnement du jeune un accélérateur et un frein. Le désir d’autonomie est un accélérateur, c'est avouable. La peur d’autonomie est frein, c'est inavouable.
Grandir, partir et découvrir le monde: argumentée par les phrases du type : tous mes copains vont dans les magasins… Les copains deviennent comme des pieds de biche pour faire craquer les parents.
Rester petit et dans ma chambre : dans la relation avec les copains il y a de nouveau ce phénomène de miroir qui correspond au schéma qui se passe avec son père ou sa mère. C'est-à-dire qu'il y a l’image qu’il veut me donner de lui, l’image qu’il me donne de lui, l’image de lui qu’il voit et l’image de lui qu’il voit que je lui renvoie. C’est aussi un jeu de miroirs car en s’identifiant, peut-être qu’il peut mieux voir l’image que je veux lui donner de moi, l’image que je lui donne, l’image de moi qu’il voit et l’image de moi que je vois qu’il me renvoie.
Si les jeunes entre 11-12 ans et 18-19 ans ne vont pas bien à l’école c’est parce que ces images sont beaucoup plus importantes que l’école : quand on s’identifie au groupe, il va y avoir une loyauté au groupe de copains qui est très importante. C’est l’acceptation par le groupe et c’est la possibilité qu’à le jeune de se sentir appartenir à ce monde qu’il est en train de se construire. Cette loyauté est nécessaire. C’est une sorte de canevas sur lequel il va construire sa vie.
Attention ! La communication des parents des copains entre eux est importante pour mieux suivre les enfants : on peut le faire pour dissiper des malentendus ou pour demander un conseil, discuter des même choses. Mais pas pour avoir un œil sur lui, lorsqu’il est loin de la maison.
Quand on est dans des problématiques de loyauté, il faut avoir une position : qu’est-ce que JE peux faire dans cette société ?
L’enfant est dans une phase de construction, d’expérimentation. S’il sort trop, s’il se marginalise, s’il adhère à des règles qui vont à l’encontre de ma philosophie, de mon éducation, je peux l’inviter à parler avec moi, au cours d’un week-end entier pour parler.
Dire, Stop, tu ne sors plus ne sert à rien. L’idéal c’est de se demander ce que je peux faire dans cette situation pour arriver à aller plus loin dans la compréhension de ce qui se passe et faire passer le message que je veux lui faire passer.
Pas toujours défini comme jardin secret par tout le monde : c’est ce qui est nécessaire pour la construction de soi : le journal intime fermé à clé, bureau fermé à clé, la chambre fermée à clé, l’écriteau ne pas déranger : c’est la porte et la clé du monde de l’enfant par rapport à celui des parents. Mon monde, l’enfance c’est ma vie c’est moi, je individu enfant. Je me différencie de vous pour ne pas être une photocopie de vous. Pour être différent, je dois être autre.
Il y a l’image que je veux lui donner de moi, il y a l’image que je lui donne, l’image de moi que je vois en lui, le souvenir de l’image que je veux donner à mes parents, le souvenir de l’image que je crois avoir donné à mes parents, le souvenir de mon image à moi et l’image que je veux donner de moi-même : ce n’est pas conscient mais toutes ces images seront brassées dans nos esprit quand un enfant nous dit : je sors avec mon copain car on a une fête dans une cabane.
Si on peut en parler dans un dialogue co-parental cette complicité co-parentale va être ressentie par l’enfant. Car quand je raconte ça à mon conjoint, il peut me rassurer avec son expérience et réciproquement, et nous allons nous calmer. On présente à l’enfant quelque chose de plus cohérent et autre chose qu’une résonance émotionnelle. Les copains ne sont pas toujours négatifs. Plus je vois des adolescents, plus je vois que l’influence est réciproque et plus je vois des parents, et plus je me dis que le plus tôt on peut commencer dans ce passage de la dépendance à l’autonomie, plus on assure à notre enfant d’avoir un « JE » individu bien marqué, respectueux et qui ne va pas se calquer sur les autres
Lui demander pourquoi me le dis-tu ? Tu veux m’informer ou tu veux de l’aide ? Si tu veux m’informer : je te dis merci.
Si tu veux un conseil alors je te donne les conseils suivants pour arriver à te faire des amis. Mais ne mêlez pas la maîtresse à ça. L’enfant vous parle à vous, pas à la maîtresse. Et valorisez-la : je sais ma fille que tu sais te faire des amies car quand on était au parc tu te faisais des copines. J’ai confiance en toi.
Il y a une grande différence entre les groupes de copains et les groupes de copines surtout entre 11 et 14 ans. Les groupes de pairs de filles sont formés de 2 ou 3 copines avec lesquelles la fille partage toute sa vie intime. Les filles passent des heures au téléphone pour savoir comment sa copine sera habillée, maquillée… Les groupes de pairs de garçons sont plus larges, plus ritualisés. Ils se rencontrent au même endroit, utilisent les mêmes mots, ont les mêmes tenues.
Ils s’influencent l’un et l’autre. S’il le dit c’est pour partager quelque chose d’intime. S’ils ont le même âge ce n’est pas un problème, il n’y pas de rapport de force. Il faut faire attention aux confidences que l’enfant fait et pourquoi il le fait : demande d’aide ou partager. Il faut demander une réciprocité dans l’amitié. L’inviter de la même façon, il vient dîner une fois, tu vas dîner une fois…
Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de Boissoudy de l'association Vaudfamille
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