Au temps des Romains, il y avait la notion du Pater Familia: le Pater Familia était le chef de toute la maisonnée, au sens large. Puis la notion de "Père" a évolué ainsi que celle de la structure familiale, et actuellement celle-ci connaît des disfonctionnements.
Il n'y a pas plus ou moins de violence qu'avant. Les chiffres des délits ne sont jamais complètement connus. On ne sait combien se commettent de vols ou de viols. Mais on sait qu'il y en a de plus en plus qui sont découverts car les services de police sont plus performants. Et si on ne sait si tous ces actes délictueux sont en augmentation, en revanche, on sait que la violence intrafamiliale existe.
On pense souvent à des choses sonores et sanglantes. Or elle est parfois très silencieuse.
C'est toute forme d'action sur quelqu'un d'autre que cette personne ne veut pas subir.
Les pédiatres sont les témoins de violence qui ne sont pas définies comme des situations de violence: "C'est pour ton bien que…" Les parents qui font faire les devoirs de leur enfant pendant 4 h…c'est aussi de la violence.
La violence intrafamiliale est une ambiance et elle n'a pas forcément de forme, elle ne peut être saisie. La violence c'est en général ce qui se passe à huit clos, derrière la porte de la maison.
La violence est cachée. Mais elle est aussi parfois niée. Ce qui ajoute de la violence à la violence. L'enfant de parents violents fait confiance à ses parents. Il les aime.
Pourquoi dans une famille on se fait mal? Comment on s'y prend pour se faire du mal ? La famille est le lieu où l'on vient au monde: nourri et protégé, on y a des contacts, des échanges, on y est validé comme quelqu'un qui reçoit et qui peut donner. L'homme met 20 ans pour devenir un homme. Et c'est dans cet espace de "protection", dans cette famille qu'on peut "me détruire alors qu'on m'aime".
Souvent, il y a court-circuit entre les différents rôles qu'on doit avoir: les parents ont d'abord un rôle affectif et seulement ensuite un rôle pédagogique (apprendre à faire les devoirs…etc.). Nos devoirs vis-à-vis de nos enfants sont d'abord affectifs et ensuite pédagogiques: soyons d'abord des parents et ensuite soyons des pédagogues. Le tissu affectif est bien plus important car c'est lui qui permet de rebondir en cas de problème.
Ces deux rôles peuvent entrer en collision et provoquer un court circuit. Il faut avoir une relation affective avec les enfants, et sur ce canevas on peut tisser une relation pédagogique.
Souvent les parents "chosifient" leurs enfants. A quel moment un parent voit son enfant comme une personne? Certains les considèrent comme "des sacs qui mangent", des "tubes digestifs"…. Cette conception de son enfant est un mauvais traitement. La négligence et la non-éducation commencent très tôt.
Quand l'autre devient chose: le livre: "JE-TU" de Martin Buber est une réflexion par rapport à l'autre. L' Autre est une personne autre que moi, mais semblable à moi. C'est dans cette relation que peut se placer la non-violence. Quand il y a de l'inceste, le fils ou la fille est "une chose", un objet utilisé pour se faire plaisir. Les effets de l'amour sont très positifs: on se sent bien dans sa peau, on est approuvé: "je t'aime comme tu es. Tu n'as pas besoin de t'améliorer." C'est le confort absolu!
Ajoutons à cet amour parental, de la pédagogie sous une forme positive: "Toi que j'aime, j'aimerais t'apprendre quelque chose pour te faire avancer."
Car l'affection et la pédagogie vont ensemble. Mais attention au piège: "tu m'as déçu, tu m'as menti…" Il faut être attentif: l'enfant est une autre personne, je dois le respecter en tant que tel.
On est l'acteur de nos propres vies. Dire que quelqu'un est une chose est la pire des violences.
Parlons du mythe que les enfants maltraités seront des parents maltraitants, seulement 30% des enfants maltraités seront des parents maltraitants. 70% ne maltraiteront pas leurs enfants. Attention aux parents qui ne maltraitent pas directement l'enfant mais qui laisseront maltraiter leur enfant par le conjoint, par un voisin, etc. Ils seront des tiers. Tiers témoins, tiers complices. Dans le cercle de la violence, il y a toujours: un auteur, une victime et un tiers. Il n'y pas que les auteurs et les victimes il y a des tiers.
Aujourd'hui beaucoup d'enfants qui ont été maltraités se retournent contre leurs parents. Et parfois il y a des situations irréversibles. Mais dans la grande majorité des cas les gens aimeraient, souhaiteraient retrouver la paix, le pardon, l'amour et la confiance.
Comment y arriver? Lors d'une prise en charge thérapeutique, on regarde la façon dont le couple parental fonctionne. Ce que M. a fait, par exemple, est impardonnable mais il peut demander pardon. Demander pardon cela ne veut pas dire que c'est pardonnable. Les actes sont importants et il y a l'acte réparateur qui restaure quelque chose dans l'ordre de la dignité de la relation. On peut alors commencer à se reconstruire.
Un professionnel ne peut arriver seul à faire une prise en charge correcte de la famille. Il faut se mettre en complémentarité avec des assistants sociaux, des médecins, des psychologues car il faut faire tout un travail pluridisciplinaire de remaniement pour qu'il y ait un changement dans les relations avec les membres de la famille.
L'Art.4 sur la loi de la protection de la jeunesse stipule qu'il faut signaler les mauvais traitements, au juge, à la DGEJ ou à la brigade des mineurs. Ce n'est pas une dénonciation ni une délation mais un signalement, cela fait partie de notre devoir d'adulte de protéger un mineur.
Dans les familles maltraitantes, il y a un manque d'oxygène, les familles sont trop fermées.
C'est dans les familles qu'on apprend qu'on n'est pas le "ça" de quelqu'un, la chose de quelqu'un, mais quelqu'un.
Dans la notion de pardon, celui qui demande pardon oblige quelque part l'autre en face à donner son pardon. Et quand on ne veut pas donner son pardon, car on a trop souffert, ensuite on se sent culpabilisé. Et on devient, à ses propres yeux "le méchant qui ne veut pas pardonner" alors que l'autre nous a fait tant souffrir qu'on ne peut l'accepter.
Tout le monde peut demander le pardon. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut pardonner. Si la douleur est si grande, que ce n'est pas pardonnable, on ne donne pas le pardon.
Le pardon est un mystère de l'humanité. Cela ne va pas de soi de pardonner. Pourtant, lorsque je pardonne, je reconnais que celui qui me demande pardon souffre. Mais, avec ambivalence j'ai aussi envie qu'il ait mal comme j'ai eu mal. Mais je veux bien pardonner car je l'aime aussi.
Le pardon nous laisse libre de venir au monde, d'accoucher de nouveau, nous laisse libre de ne pas nous venger, de ne pas rendre œil pour œil, dent pour dent.
Mais dans le pardon les actes sont aussi très importants: il faut mettre en place des contrôles pour vérifier si tout va bien. Car les gens sont vulnérables. Il n'y a pas que les bonnes intentions. Il faut aussi surveiller, cadrer.
Comment éduquer les enfants sans violence ?
Dans l'éducation il y a aussi une partie de sanction. Et il faut avoir un peu d'imagination dans la sanction. Sanctionner de façon pédagogique et non punitive, être créatif. Une sanction n'est pas nécessairement négative.
Résumé d'une conférence donnée à l'Ecole des Parents de Lausanne par le Dr. Gérard Salem et le Dr. Nahum Frenck.
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