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Adolescence et comportement à la maison

Le thème de l’adolescence est un défi pour nous tous: c'est un moment particulier pour chacun de nous où les grandes interrogations se posent comme allant de soi. Mais ce sont celles qui sont le plus énigmatiques car elles touchent à des êtres que nous aimons et devant lesquels nous nous sentons déconcertés, inquiets ou confiants.
L'adolescence est un âge de transition: on n’est plus tout à fait un enfant et on n' est pas encore un adulte : on est quelqu’un en devenir. C'est un moment connu de crise qu’elle soit biologique, sociale, affective, familiale, éthique...
Les "ados" sont intéressants à côtoyer car ils nous confrontent très vite à ce qu’il y a de satisfait en nous et savent nous montrer ce que nous devons apprendre.

Résumé d'une conférence animée par le Dr G. Salem,
Privat-docent à la Faculté de Médecine, Psychiatre FMH, Thérapeute de famille.

L'hôtel à la maison:
Moment où l’ "ado" est sensé quitter la maison. Nous sommes amenés à vivre cette étape de façon peut-être plus courante que nos parents ne l’ont été, surtout depuis une quinzaine d’année : le jeune (18 - 25/30 ans) doit quitter le nid car il sait voler de ses propres ailes : il doit quitter l'endroit où il est aimé, soutenu… pour aller ailleurs. C'est un moment dur à vivre et pour l’ado et pour ses parents, ses frères et sœurs, la société.

De l'importance des rites de passage
Dans la société, il y a des rites sociaux qui aident à vivre certaines étapes nécessaires à la croissance biologique, sociologique… S'ils existent encore dans les sociétés dites primitives, ou en Chine… chez nous ces rituels n’existent plus beaucoup.
Ces rites de passage, en signalant l’arrivée d’une étape importante, aidaient les enfants et les adultes à se repérer. Il en reste des bouts (confirmation...) mais qui ont perdu de leur force de pénétration dans le tissu social. Seule l'école aide encore à situer ces moments-clé.

Les besoins de l'adolescent

  • Quand l’"ado" part, il doit résoudre un certain nombre de choses qui sont ses propres besoins:
    il a besoin de sentir qu’il appartient (son appartenance) à un groupe qui l’aime et le soutient, d’où il provient ( sa provenance), et dont il est dépendant (sa dépendance) . Il doit résoudre tous ces problèmes et il doit tenir compte de ces divers paramètres dans sa vie pour accéder à l’autonomie.
  • Mais l’"ado" a d’autres besoins: ce sont ses propres devoirs, sa propre capacité de compassion, son propre sentiment d’amour et de concernement pour autrui, son sens de la responsabilité, son attachement à autrui pour autrui et non pour lui. Cette loyauté, cette façon d’avoir souci pour les autres est importante. Certains auront de la peine à partir, non pas à cause de leur dépendance, mais à cause de celle des autres.

Les divers éléments du syndrome collectif de l’"ado" dans l’hôtel à la maison:

Il s’attarde, il s’installe un peu plus encore : Il traîne dans ses études, il s’offre éventuellement des échecs, il aime sa chambre, la réaménage, y reçoit sa petite amie: il fait son nid dans le nid familial. Il trouve naturel de ne pas s’inquiéter de savoir qui fournit le manger et le boire et s’indigne si jamais une chose n’est pas à sa place, si on entre dans sa chambre....
Il reprend un comportement enfantin parfois (câlins, bouderies…) et donne des leçons aux parents.

Cette situation peut durer longtemps, les parents s'interrogent sur ce type de comportement. S'ils ne comprennent pas, ils viennent consulter. Il faut dédramatiser et essayer de comprendre les différents cotés à la fois. Que se passe-t-il entre les gens plutôt qu’à l’intérieur de chaque personne ? Il faut se mettre tantôt du point de vue de l’enfant, tantôt du point de vue du parent et parfois même du grand-parent.

Pourquoi ? Car la motivation humaine passe par deux types de comportement:

  • Un comportement de type centripète: Les besoins centripètes sont ceux de se plaindre, d’être dorloté, de se ménager, de se faire du bien, de lâcher prise… Nous sommes tous naturellement livrés à ce type de besoin: je défends mon besoin, mon désir et mes limites, mes faiblesses... c’est à dire le point de vue égoïste, égocentrique qui vise mon bien être, c’est mon point de vue.
       
  • Un comportement de type centrifuge: Les besoins centrifuges sont propres aux gens qui s'inquiètent d'autrui, qui veulent du bien à autrui, être responsable d'autrui, aimer et donner, s'oublier, se sacrifier soi-même pour l'autre. Ce type de besoin a été trop longtemps ignoré dans la psychologie moderne. Il n'est pas fait pour obtenir un quelconque bénéfice secondaire (si je m'inquiète d'autrui c'est pour m'inquiéter de moi, je cherche un peu de gloriole) . Non, c'est réellement un besoin naturel. Il y a quelque chose en moi qui s’inquiète d’autrui. Et ce quelque chose peut être une raison très puissante de l’hôtel à la maison: si je reste c’est pour quelqu’un d’autre, ce n’est pas pour moi.

L'"ado" n'est pas seulement un petit tas de choses égoïstes, c'est quelqu'un qui est animé de sentiments chevaleresques, d'une loyauté exemplaire et d'un sens de la justice étonnant qui, en lui, fonctionnent comme une force motivationnelle pour ses choix, ses comportements et qu'on avait tendance à négliger.
Aujourd'hui on y fait très attention car on sait que ces motivations peuvent être à la base de comportements autodestructeurs.

L'"ado" a soif de conduites absolues et extrêmes. Il est avide de se prouver quelque chose dans cette catégorie de besoins centrifuges, de se prouver son aptitude à la chevalerie, à la noblesse des choses. Il est souvent dégoutté par une société qui lui renvoie un reflet du contraire, qui semble vanter le triomphe du profit personnel et l'euphorie marchande. Ces conduites ordaliques sont souvent la pointe extrême de comportements non entendus, non perçus comme tels.

Certes les ados aiment montrer qu'ils aiment prendre des risques (consommation de produits, conduites dangereuses...). Mais ce n'est pas pour faire les malins : ils sont animés par un sentiment de noblesse d'âme, veulent vérifier leur valeur sur une échelle invisible que nous avons tendance à oublier.

Un comportement de type centrifuge:
Certains "ados" peuvent se montrer en apparence très égoïstes alors qu'en fait cette attitude sert à s'occuper d'autrui (du père ou de la mère) . Conduite stratégique qui ne peut s'afficher autrement:

  • C'est l' "ado" qui devient la tête de turc de son père car il protège ou il venge la mère contre le père ou bien, il protège le père en lui montrant qu'il ne deviendra pas comme lui: l' "ado" a un comportement très libéré que le père n'a pas osé avoir, mais il est furieux au-dedans de lui de ne pas y être arrivé (d'où des maladies ulcéreuses, infarctus). Son fils agi de façon coléreuse pour lui, de façon invisible et non dite. Et le père le puni de çà. Ce sont des niveaux de sens différents qu'il faut prendre le temps de comprendre.
       
  • Ou bien l' "ado" est le dernier à partir : ce départ représente un danger pour le couple: le jeune peut adopter une conduite autodisqualifiante par laquelle il va démontrer qu'il ne peut se débrouiller seul pour donner un alibi à ses parents: il a encore besoin de nous.

Il y a aussi les parents qui "prolongent "l'hôtel: si l'enfant veut vraiment partir, le parent crée une sorte d'hôtel "virtuel": la lessive par exemple. Certains jeunes, très éloignés de leurs parents, continuent d'envoyer régulièrement leur linge sale à leur mère pour qu'elle s'en occupe. Le jeune prouve à sa mère qu'il est dépendant d'elle, secrètement, de manière cachée.

Ce sont des exemples de chemins détournés que peut prendre parfois cette loyauté aux parents. Il faut comprendre les enjeux de ce qui se passe de façon multilatérale en se placant de tous les points de vue, et pas seulement du point de vue du jeune. La maison est une sorte d'asile (lieu où on est protégé, pris en charge), et celui qui en est le gardien n'est pas toujours le parent, c'est parfois l'enfant.

Les "ados" débordent de cette attitude chevaleresque, de ce sens du devoir. Ils refusent souvent les expériences amoureuses multiples afin de se garder pour celle ou celui qu'ils vont aimer, et en même temps ils assistent au déglingage de la société dans laquelle ils vivent: hausse des divorces, séparations... Ils ont une grande rigueur étique. Comment sera le couple de demain?

La famille est exposée actuellement à des problèmes spectaculaires, tout le monde pense à se libérer et les enfants sont dans des "familles réfectoires/dortoirs". Ils portent la libération des familles et parfois s'attardent à la maison comme pour obliger tout le monde à rester un peu ensemble, en colonisant le terrain. Parfois, ils ne restent pas pour les raisons de facilité mais pour sauver le couple parental. Ils nous rappellent que nous parents sommes des êtres dépendants.

Questions

1. Pouvez-vous parler de l'hôtel à la maison avant 18 ans, vers 13/ 15 ans quand l'"ado" traîne les pieds pour toute activité qui relève de l'activité familiale ?
Mais tout le monde aime profiter de la maison et se comporter comme un roi dans un territoire conquis, le père, les cousins..!!!! Pour l' "ado", la maison n'est pas son territoire et il doit le marquer comme un territoire d'apprentissage. C'est une tendance naturelle de l'"ado" qui grandit et qui a tendance à vouloir s'émanciper à travers les pairs, à se désidentifier des parents.

Il est intéressant de savoir comment les parents encouragent ou non certaines attitudes chez leur "ado". Sans perdre de vue l'aspect multilatéral que j'ai développé.
Entre un parent et son enfant, il y a 3 niveaux de relation:

  • Une relation qui passe par le canal du Surmoi
    Le parent peut influencer son enfant par le canal moral, des ordres: ce qui est permit ou interdit et qui peut culpabiliser un enfant: c'est l'exemple de la mère fourbue qui vient de ranger la chambre de l'ado... J'ai mal au dos et voit ce que je fais encore pour toi ...: Par ta culpabilité je t'alienne.

  • Une relation qui passe par le canal du Moi 
    Je vais te tromper dans ta façon de te percevoir toi-même: c'est la mère qui sait mieux que son enfant s'il a froid ou faim. Elle intervient sur la perception de l'autre comme il se sent: beau, affamé, sommeil: tu es triste aujourd'hui, je le sais, je sais mieux que toi ce que tu sens.

  • Une relation qui passe par le canal du ça
    On favorise chez l'enfant tous ses besoins régressifs en renforçant sa dépendance: c'est le type même de l'enfant gâté.

2. Je propose une participation sous forme de tour de rôle, comment utiliser la machine à laver, à faire son lit... et si ça marche parfois, ça ne les enthousiasme pas un maximum:
Entre attendre leur enthousiasme lumineux et le fait qu'ils fassent quand même ce qu'on leur demande, il y a une marge. Très souvent quand les parents veulent vraiment que les choses se fassent, ils savent se faire entendre. Mais si les parents sont décidés à ce que les enfants installent l'hôtel à la maison, il y aura l'hôtel à la maison.

Il peut y avoir conflit entre le père et la mère: le père ne veut pas l'hôtel et la mère veut mettre en échec le père en soutenant les enfants contre le père: l'enfant comprend les enjeux. Les parties se jouent à plusieurs, il y a souvent des triangles en jeu.
Quels sont les bénéfices secondaires, les aspects cachés de cet hôtel à la maison pour chaque parent ?

3. Pour moi l'hôtel à la maison, c'est aussi le moment où l' "ado" vient à la maison avec son/sa petit(e) ami(e). Qu'en pensez-vous ?
Moi aussi j'ai eu ce problème: je suis contre. C'est mon opinion. Je suis contre le nudisme en famille, contre le fait que le jeune amène sa copine dormir et faire l'amour à la maison.
Je suis contre car ça me dérange: sa sexualité, cette intimité dans l'amour avec sa copine, ça ne se passe pas chez Papa, Maman. Le jeune peut aller où il veut, mais moi je trouve indécent que ça se passe sous le toit des parents: le tabou de l'inceste, la pudeur élémentaire ?
Je suis aussi contre le nudisme en famille, les familles très cools où on ne s'appelle plus Papa, Maman.
La pudeur et le territoire intime sont important.
C'est aussi une façon de marquer le départ: maintenant je construis mon nid ailleurs. On n'est pas de la même génération, c'est normal que ça se passe ailleurs. Il y a quelque chose de confus dans cette espèce de libéralisme qui efface les limites et crée des confusions.

4. Je n'ai pas voulu que mon fils amène ses amies à la maison, mais maintenant il a 21 ans et visiblement il n'a pas de relations intimes avec des jeunes filles. Je me demande si ce n'est pas de ma faute.
On a tort en tant que parent de surveiller comment se passe l'évolution sexuelle de nos enfants. Dès qu'on s'en mêle ça fait des dégâts ! De quel droit on entre si loin dans ce territoire si sacré ? Je trouve naturel qu'il y ait à un moment donné, une attitude de rejet sur certains plans. L'enfant doit se faire lui-même à ce niveau là.

Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de l’association VaudFamille.

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