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Harcèlement scolaire, comment agir?

Comment agir lors de harcèlement scolaire ?

  • Quand l’enfant victime parle, il est déjà harcelé souvent depuis bien longtemps. Il présente des symptômes. Il a besoin de protection. Il faut prendre rendez-vous avec le pédiatre, demander un certificat médical qui atteste des symptômes présentés par l’enfant victime de harcèlement. Un soutien psychologique est vivement recommandé.

  • Avertir l’enseignant-e qui peut dans un premier temps en parler avec l’enfant victime, puis avec l’enfant désigné comme le harceleur. En général, elle demande l’intervention d’un médiateur.

  • Demander une médiation : l’intervention d’un médiateur formé est souvent indispensable. Son rôle est d’écouter les parties harceleur/harcelé/témoin, de faire prendre conscience à chacun de ce qui est en train de se passer et de tenter une médiation. A ce sujet, la méthode d'intervention d'Anatole Pikas est intéressante : www.preoccupationpartagee.org

  • Contacter le doyen de l’école et/ou le directeur de l’établissement qui va :
    • Recueillir le témoignage de la victime et valoriser son courage
    • Mener des entretiens : avec les témoins, avec les auteurs présumés, éventuellement avec les parents de la victime, des auteurs et des témoins
    • Décider des mesures de protection pour la victime et des mesures de réparation voire une sanction pour le harceleur.

ATTENTION,

il arrive fréquemment que les propos de la victime ou de ses parents soient minimisés, banalisés au sein des établissements scolaires. Je reçois 2-3 appels par semaine de parents démunis qui ne se sentent pas entendus. L’enfant est renvoyé à sa propre responsabilité de victime « Il faut te défendre…allez, ce n’est pas très grave….Je ne sais pas qui a commencé… ». C’est une double peine pour lui. Et c'est violent !

L’enfant victime est celui qui souffre et les signes, une fois repérés, sont indéniables !

Si toutes les démarches en amont n’ont pas abouti, vous pouvez envoyer à la Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire (DGEO) un dossier constitué du témoignage de votre enfant, des certificats attestant de son mal-être et de sa détresse (pédiatre, psychologue, etc.), et les captures d’écran des messages reçus sur son téléphone.

« Si l’ensemble des démarches entreprises au sein de l’établissement n’a pas permis d’apporter de réponses satisfaisantes, la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) prévoit que le Département, de la formation de la jeunesse et de la culture offre des bons offices. Il tente une conciliation et peut engager un processus de médiation. Plusieurs professionnel-le-s formés entre autres à la médiation sont à même de donner suite à toute requête ». (www.vd.ch/themes/formation/scolarite-obligatoire/relations-entre-lecole-et-la-famille/)


Enfin, si rien ne bouge et si votre enfant est en danger, il faut porter plainte* d’une part et prendre contact avec un centre LAVI pour être soutenu; et d’autre part le changer d’école, ce qui s’avère être l’ultime décision à prendre pour le protéger. Et il est clair que ce n’est pas normal !

* "Une personne qui harcèle peut avoir à faire à la police et se retrouver devant un juge. Les victimes d’actes de harcèlement doivent puiser dans des outils juridiques plus généraux en droit pénal ou en droit civil.

En droit pénal, le harcèlement en milieu scolaire peut, selon les cas, tomber sous le coup des atteintes à l’honneur, envisagées aux art. 173 et suivants du Code pénal ( CP ; RS 311.0 ). L’honneur protégé par le droit pénal est « le droit de chacun à ne pas être considéré comme une personne méprisable»3, et est lésé par « toute allégation de fait propre à exposer la personne visée au mépris de sa qualité d’être humain »4. Ces dispositions répriment successivement la diffamation ( 173 CP ), la calomnie ( 174 CP ), ou l’injure ( 177 CP ). En milieu scolaire, il semblerait que les faits les plus communément rencontrés tiennent de l’injure, qui vise plutôt les jugements de valeurs dénigrants, l’expression d’un mépris dépassant la limite de l’acceptable. Le code pénal réprime également les menaces ( 180 CP ), ainsi que la contrainte ( 181 CP ), ou les lésions corporelles simples ( 123 CP ) dans le cas où le harcèlement deviendrait physique, toutes trois punies au maximum d’une peine priva- au plus ou d’une peine pécuniaire. Les peines sont toutefois adaptées pour les mineurs en vertu de la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin ; RS 311.1 ). La voie pénale est donc ouverte pour le harcèlement en matière scolaire, y compris pour le cyberharcèlement. En droit civil, le harcèlement peut également être appréhendé par le prisme des art. 28 et suivants du Code civil ( CC ; RS 210 ), qui permettent à la victime de demander au juge des mesures préventives ou curatives, comme des interdictions d’approcher la victime, ou de prendre contact avec elle, y compris par voie électronique ( art. 28b al.1 CC ).

L’arsenal répressif peut toutefois apparaître hors de proportions dans certains cas, voire s’avérer contre-productif puisque parfois source de stress intense pour la victime.

En matière de cyberharcèlement, particulièrement à travers les réseaux sociaux, il est souvent plus efficace et plus rapide d’utiliser les moyens mis à disposition par les plateformes pour lutter contre les comportements attentatoires : blocage ou retrait de contenu, suppression ou blocage de profils, de groupes de discussions, etc. De même, les cantons et certaines associations mettent à disposition des unités d’écoute permettant aux victimes de harcèlement en milieu scolaire d’être écoutées et aidées par des professionnel·les. Le harcèlement scolaire ne souffre ainsi pas de réponse unique et doit s’envisager au cas par cas pour permettre une prise en charge et une lutte efficace contre ce qui est devenu un véritable cancer des préaux". Nicolas Capt, avocat au barreau de Genève et Paris 1 & Irina Riera, élève-avocate.


Si le harcèlement n’est pas stoppé, il peut avoir des conséquences graves : dépression, délinquance, addictions, suicide...

Appelez le 147 (Projuventute) ou le 117 (police) en cas d'urgence.

Projuventute : 058 261 61 61

Patouch: 0800 800 140


Prévenir le harcèlement

  • En famille

En amont, pour prévenir le harcèlement, il faut en discuter le plus tôt possible avec son enfant.
Prendre des exemples :

    • Aimerais-tu vivre ce que tu fais vivre à Luca? 
    • Que penses-tu qu’il ressente quand tu te moques de lui ou quand tu le tapes? 
    • Et quand tu dis aux autres de ne pas aller avec lui? 
    • Ou quand tu lui voles son goûter? 
    • Imagine si on te faisait vivre la même chose, tu sentirais quoi?

Faire réfléchir sur la capacité à se mettre à la place de l’autre. Livre Lili est harcelée à l’école, Dominique de Saint Mars et Serge Bloch
Aux plus grands, informer sans dramatiser, en restant factuel. Attendre aussi leurs questions, les écouter, en poser quelques-unes sur leurs fréquentations et leurs relations aux autres - et ce qu’ils font pendant les récréations. Les renseigner sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Cf. ressources ci-dessous.

  • En classe

Il est urgent d’aborder le sujet en début d’année scolaire : expliquer, informer, parler concrètement du harcèlement physique, psychologique et sexuel, de la contrainte, du chantage (comme le racket ou les menaces en tout genre), de la manipulation.
Poser des questions : A partir de quand commence le harcèlement ? Qui peut être harcelé ? A partir de quand suis-je complice d’un harcèlement ? Qu’est-ce que l’empathie ? Etc.

Les enfants doivent réaliser que rire de quelqu’un et s’en moquer signent les prémices d’un harcèlement scolaire.


Sous forme de jeux de rôle travailler avec eux l’empathie, les jeux de pouvoir et les enjeux affectifs comme le chantage et les faire réfléchir sur les conséquences de leurs actes et donc sur leur responsabilité : éviter de rire en groupe et donc d’encourager le harcèlement, éviter de transférer des messages humiliants sur les réseaux sociaux, autrement dit : soutenir la victime, signaler les messages dégradants et le harcèlement à un enseignant/un adulte (à plusieurs si nécessaire), interpeler le harceleur. 


Œuvrer à consolider les compétences sociales. Evoquer la notion du respect de soi et des autres, de l’interdit et des règles pour bien vivre ensemble et des conséquences quand elles ne sont pas respectées - comme la sanction. Le programme KiVa mis au point par l’Université de Turku en Finlande comprend à la fois des actions ciblées et d’ordre plus général, destinées tant à prévenir le phénomène, qu’à traiter les cas de harcèlement relevés dans les établissements. https://finland.fi/fr/vie-amp-societe/kiva-a-lecole/

Nota bene : Nous devons travailler à ne pas laisser les enfants cibles enfermés dans leur statut de victime. Une fois qu’ils se sont sentis reconnus dans leur souffrance et leur détresse, notre tâche est de leur apprendre à trouver des ressources et des outils concrets pour gagner en confiance en soi, en autonomie et s’affirmer face aux agressions. « Si on veut que les enfants parlent, il faut qu’ils sentent qu’on n’agira pas à leur place, mais plutôt qu’on leur dira comment faire pour s’en sorti». (Philippe Aïm)

Le harcèlement scolaire est un problème de société grave
qu’il ne faut en aucun cas banaliser.



Ressources

Groupe d’aide/soutien aux enfants :

  • L'association VIA vient en aide aux enfants et adolescents victimes de violences scolaires à travers des ateliers en vue de développer la résilience des enfants, cultiver leur confiance en soi et augmenter leurs compétences sociales https://association-via.ch 

  • La Croix Rouge : Les ateliers Chili
  • Tatout.ch : Cours de prévention de la violence
  • Patouch.ch : Cours de prévention de la violence
  • Cours de self défense
  • Films, documentaires
    - Souffre-douleurs, ils se manifestent
    - Le jour où j'ai brûlé mon cœur
    - Marion, 13 ans pour toujours
    - Le mur de l'humiliation

  • Guides : www.education.gouv.fr
    - Agir contre le harcèlement à l'école
    - Que faire pour agir contre le harcèlement dans mon école ?
    - Que faire pour agir contre le harcèlement dans mon collège ou mon lycée
    - Les plans de préventions... ?

Le cyberharcèlement cf. Prévention suisse de la criminalité : https://www.skppsc.ch/fr/sujets/internet/cyberharcelement/ 

  • Outils en ligne :
    - Non au harcèlement : cahier d'activités
    - Max et Lili "Ma carte d'Identité Scolaire »
    - Sensibiliser à une bonne utilisation des réseaux sociaux
    - Stop Bashing (application)
Bibliographie
  • Jean-Pierre Bellon et Marie Quartier, Les blessures de l’école, Esf
  • Bruno Humbeeck et Maxime Berger, Prévention du harcèlement et les violences scolaires, de Boeck
  • Bertrand Gardette et Jean-Pierre Bellon, Harcèlement scolaire : le vaincre c’est possible, Collection Pédagogie
  • Christine Camuset et Nathalie Zampirollo, Harcèlement entre élèves, Le journal des psychologues, 2010
  • Florence Millot, J’me laisse pas faire dans la cour de récré, Albin Michel
  • Isabelle Filliozat, Le harcèlement, le repérer, le stopper, Nathan
  • Emmanuelle Piquet, Le harcèlement scolaire en 100 questions, Tallandier
  • Emmanuelle Piquet, Te laisse pas faire !, Payot
  • Emmanuelle Piquet, Je me défends, Payot

Pour les enfants : Dominique de Saint Mars et Serge Bloch, Lili est harcelée à l’école / Juliette Sausse et Nadège Larcher, Le petit livre pour dire stop au harcèlement à l’école, Bayard Jeunesse / Catherine Dolto, Harcelés, harceleurs, Gallimard Jeunesse

Pour les adolescents : Ana et Bloz, Seule à la récré, Bamboo Editions / Charlène Kobel, Brisée, l’espérance m’a sauvée (autoédition) / 

+ TEMOIGNAGE DE MARION

« Tout a commencé durant l’année scolaire 2017-2018. Marion avait 13 ans à ce moment-là.

Un camarade a demandé à notre fille si elle voulait sortir avec lui. Mais elle n’était pas intéressée. Depuis plusieurs années, elle ne voulait pas aller plus loin dans cette relation. Cela a jeté un froid entre elle et lui et les piques verbales ont commencé quelque temps après ça. Piques sur ses cheveux, sur son corps, sur ses bons résultats scolaires. Tout était prétexte à humilier Marion. D’autant plus que d’autres « camarades » se sont sentis autorisés à humilier eux aussi notre fille. Elle n’était tranquille dans aucun des cours de la semaine. Que ce soit de la part des filles ou des garçons, elle ne pouvait se sentir à l’abri de personne. 

Son père et moi n’avons pas remarqué de suite le mal-être de notre fille. Elle le cachait et ne nous disait rien. Mais son humeur et sa relation avec nous étaient devenues très compliquées. Elle s’enfermait, et quand elle était « présente » avec nous, elle nous envoyait sur les roses. Un jour nous avons tapé du poing sur la table et nous lui avons demandé de nous dire ce qui se passait. Elle nous a dit qu’elle était une « moins que rien » vu tout ce qu’on disait d’elle à l’école ....

Le plus dur, c’est qu’elle était tellement sous l’emprise de ses tourmenteurs qu’elle ne voulait pas qu’on agisse auprès de sa prof de classe et encore moins du directeur.

Pour finir nous avons contacté ce dernier et après plusieurs entrevues (que ce soit avec la prof ou avec lui et la prof) nous avons pu changer notre fille de classe pour sa dernière année. Nous voulions qu’elle puisse passer les examens de fin d’études sereine. Mais c’était sans compter sur la mémoire perfide de ces jeunes. A peine arrivée dans sa nouvelle classe, les choses ont recommencé. Mais beaucoup plus subtiles; dans le dos, entre copines. Marion n’avait connaissance que des « on dit » et des rumeurs.

Puis une amie lui a demandé si elle était au courant du groupe Snapchat ouvert à son nom (..... .plancul). Et là, tout a recommencé. Mais Marion, plus forte et plus en confiance, nous en a parlés (après plusieurs semaines quand même).

Elle n’en pouvait plus d’évoluer dans les couloirs sous les remarques d’écoliers qu’elle ne connaissait même pas qui se demandaient si c’était elle le groupe Snapchat.

Nous avons de suite cherché conseil sur le net et nous vous avons trouvé (Merci !!!!).

Suivant vos conseils nous avons pris contact, malgré les protestations de notre fille, avec sa nouvelle prof de classe qui nous a avoué que rien ne pourrait être fait de leur côté. Il fallait passer par la case « dépôt de plainte ». C’est ce que nous avons fait le 31 janvier de cette année. 

Par un heureux concours de circonstance, peu de temps après, une info sur le harcèlement a été donnée à son collège. Témoignages et films ont été passés. Le jour même, la nouvelle harceleuse de Marion est venue s’excuser de ce qu’elle lui avait fait subir. Elle n’avait pas conscience de ses gestes ni de ses paroles.

Après le dépôt de plainte, nous avons aussi fait les démarches pour convoquer le garçon qui la harcelait depuis plus d’un an (son comportement avait diminué mais non cessé). Nous l’avons vu avec sa mère, la doyenne et sa prof. Lui non plus ne comprenait pas que ce qu’il faisait pouvait être aussi destructeur pour l’autre. La conversation a été cordiale et sereine. Nous lui avons exposé le mal être de Marion en lui expliquant tout ce qu’elle éprouvait quand il agissait de la sorte. Il a de suite cessé son harcèlement et ils ont même discuté un peu ensemble en fin d’année scolaire 2019.

En juin, nous avons pris contact avec la police afin de connaître l’état d’avancement de l’enquête. Il semblerait que l’enquête ait abouti. L’auteur a été découvert et nous attendons des nouvelles du juge de paix.

Depuis début août, Marion a commencé son apprentissage et essaie de mettre tout ça derrière elle. Elle craint quand même toujours la confrontation avec les jeunes de son âge. Et se demande, si avec ses nouveaux collègues de cours, ce groupe Snapchat ne va pas refaire surface. Car cela est très très très dur de faire effacer un groupe sur ces plateformes dites sociales !! C’est un très long combat.

 Au mois d’avril (il me semble) Marion a tenu à être présente à la conférence sur le harcèlement scolaire qui s’est tenue à Aigle avec vous. Jamais nous n’aurions pensé croiser autant de monde. Et cela lui fait énormément de bien. Elle a pris conscience de l’ampleur du sujet. Quand son témoignage a été lu et qu’elle a entendu les réactions du public (outré, murmures, mots pris au vol...), elle a réalisé encore un peu plus que ce qu’elle a vécu n’est pas normal. Ses parents le lui ont dit, sa famille aussi, mais le fait que toutes ces personnes le lui disent dans la sécurité de l’anonymat a été pour elle une libération. Elle a pleuré en rentrant, elle a beaucoup extériorisé. Cela lui a fait comme une thérapie. Un énorme merci à vous. Vous avez sauvé notre fille ! ».

Commentaires





Jakub
09.06.2019 18:21

So there is no real way to address the problems withing school because teachers are holly cows an will not even bother?
...

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