Pour les très jeunes enfants, les risques d’accidents domestiques sont nombreux. Pour les éviter, un parent averti en vaut deux.
Contrairement à Mowgli, les jeunes enfants entre 0 et 5 ans ne sont pas aptes à déjouer tous les pièges de la vie courante.
Pour eux, chaque pièce de la maison est potentiellement hostile. Il suffit qu’à la cuisine, il tire la nappe où se trouve une tasse de café brûlant, qu’il avale un disque démaquillant dans la salle de bains, ou des médicaments laissés sur la table basse du salon. Et pourtant, ils ne sont pas abandonnés à leur sort.
«70% des accidents arrivent alors que les parents sont présents, constate Nicolas Lutz, responsable du service de chirurgie pédiatrique au CHUV à Lausanne. Le problème c’est qu’ils ne réalisent pas toujours qu’en grandissant, leur enfant s’expose à de nouveaux dangers. »
Plus leurs capacités motrices augmentent plus les tout jeunes expérimentent et «innovent».
« Alors qu’hier, il n’arrivait pas à se tourner sur la table à langer ou à se mettre debout, là du jour au lendemain, il y arrive, relève Sylvie Macé, coordinatrice du programme Pipades, programme de prévention des accidents domestiques chez les enfants 0-5 ans.
Les risques d’accidents sont liés au stade de développement de l’enfant. Il est important que les parents puissent anticiper à quel moment il va pouvoir faire quelque chose d’inédit. »
Pour les aider, Pipades édite un aide-mémoire qui recense dans un tableau, les dangers essentiels en rapport avec l’âge de l’enfant. Téléchargeable, il est aussi adressé par courrier dans toute la Suisse sur simple demande. Il est également distribué par les professionnels de la santé – sages-femmes, pédiatres, maternités, infirmières petite enfance – qui veulent sensibiliser les nouveaux parents. En 2018, 27.000 dépliants ont été envoyés. Tant qu’ils ne sont pas capables de comprendre, les parents doivent les suivre pas à pas et rester vigilants au quotidien.
Fier et content de pouvoir se déplacer comme un grand, le petit s'élance dans son youpala à la conquête de l’espace domestique.
«Tout d’un coup, en poussant sur ses jambes il acquiert une certaine indépendance, observe le Dr Lutz. Pensant être un peu tranquilles, les parents ne songent pas aux risques de chute. »
Un seuil de porte, un bout de tapis qui dépasse peuvent entraver le passage, le faire basculer, et pire, il peut dégringoler dans les escaliers.
«Sans oublier que dans la position verticale, il peut attraper des ciseaux sur la table ou arracher les feuilles des plantes vertes et les ingurgiter, rappelle Mme Macé. Certains objets censés nous aider ne nous autorisent pas à relâcher l’attention.»
II en va de même pour la table à langer d’où l’enfant peut tomber ou du siège de bain.
«Dans la baignoire c’est pratique, plus besoin de le tenir, convient M. Lutz. Mais si on imagine pouvoir s’absenter pour aller faire autre chose, il faut savoir que si jamais un enfant glisse, il est incapable avant deux ans de relever la tête et qu’il peut en quelques secondes, se noyer dans seulement dix ou quinze centimètres d’eau.»
Autre lieu de noyade, la piscine dans le jardin ou celle que l’on trouve dans une location de vacances. Parce que l’eau attire et que tout peut aller très vite, il est important de garder les deux yeux sur l’enfant.
«Quand les parents répondent au téléphone, ils ne font plus attention, déplore M. Lutz. Ils sont responsables de sa sécurité et doivent le protéger tant qu’il n’est pas conscient des menaces qui l'entourent.»
Pour savoir comment réagir en cas d’accident, un bon réflexe est d’appeler le 144, numéro attribué aux appels sanitaires urgents pour l'ensemble de la Suisse. En fonction de la situation, un régulateur déclenchera les moyens adaptés – ambulance, SMUR, REGA – ou donnera aux parents des conseils de premiers secours avant de se rendre si besoin, à l'hôpital.
60% des accidents pédiatriques ont lieu à la maison. Et selon les chiffres du Bureau de Prévention des Accidents (BPA), 54% des décès liés à des causes domestiques concernent la tranche d’âge 0-4 ans. Si le risque zéro n’existe pas, il est possible en informant de restreindre les dangers.
«Il est important de délivrer le bon message au bon moment, c’est-à-dire en fonction de l’âge de l’enfant, explique Mme Macé. De plus, mieux vaut éviter d'avoir un discours culpabilisant vis-à-vis des parents, sinon on passe à côté de l’objectif. »
Les remettre en cause, laisser penser qu’ils sont négligents n’est pas la bonne méthode. D’autant plus qu’aujourd’hui, les familles ont évolué et n’ont pas forcément les mêmes approches de l’éducation. «Avec 25% d’étrangers en Suisse, il y a différentes cultures et manières d’élever son enfant, souligne M. Lutz. Certains vont le couver, réduire son champ d’action tandis que d’autres considèrent que le laisser vadrouiller est une façon d’apprendre.»
Question d’époque, de société, comment savoir si l’on en fait trop ou pas assez ?
«Le rôle du parent est de surveiller, pas de tout interdire, estime Mme Macé. Au fur et à mesure qu’il grandit, on va expliquer à l’enfant ce qui est dangereux de sorte à en faire un acteur de sa propre sécurité et le responsabiliser.»
A moins d’enlever tous les meubles pour qu’il ne se cogne pas, de manger froid pour qu’il ne touche pas la porte du four, l’enfant devra se familiariser avec un paysage nouveau pour lui, en prenant quelques risques limités. Curieux de nature, il a besoin pour grandir d’explorer et de se frotter à son environnement. En liberté surveillée, il pourra s’aventurer sur un terrain déminé des principales embûches. L’accident n’est pas une fatalité rappelait en 2007, une campagne d'information destinée aux parents vaudois qui avait pour slogan "Un accident est si vite… évité !"
François Jeand’Heur
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