Pas le temps de gamberger, il faut se lancer. «L’arbitre nous annonce les sujets trente secondes avant le début du match, relève Pauline Maître, présidente de la Fédération d’Improvisation genevoise. Après, à nous de raconter une histoire qui va faire vivre au public un maximum d’émotions différentes».
Dans un match d’impro, deux équipes de quatre à six joueurs s’affrontent soit en même temps soit l’une après l’autre. Chaque partie dure en général 90 minutes et donne lieu à dix ou douze scènes. Le concept reprend les codes du hockey sur glace, en référence au Québec où sont nés les matchs d’impro dans les années 70. L’espace est défini par une patinoire en bois, l’arbitre porte un maillot rayé noir et blanc tandis que les joueurs revêtent les couleurs de leur équipe. Une fois le décor planté, place à l’inventivité, à l’imagination... et au stress!
«Le secret c’est de s’entraîner, d’avoir confiance en soi et dans les autres, de savoir qu’on va réussir à construire quelque chose ensemble, assure Mme Maître. Certains se découvrent un sens acéré, très fort de la répartie».
La prise de risque, la peur du vide font partie du plaisir et sont une nouvelle façon d’explorer le théâtre pour les jeunes comédiens comme pour les plus aguerris.
Les Déchênés, les Yakuzas, les Dindons de la Force sont les noms farfelus de quelques-unes des équipes de la ligue Junior de Genève.
Les thèmes durant les matchs sont tout aussi loufoques. «Vous pouvez tomber sur ma vie de sosie, un dimanche après-midi aux Bastions ou encore la vie secrète de Marylin, indique Mme Maître. Et il n’est pas question de recycler une idée, ça se voit tout de suite et vous êtes moins bon».
L’effet de surprise et de fraîcheur joue à la fois pour les spectateurs et les comédiens. Pour être au point et le plus décontracté possible, les juniors de 16 à 21 ans peuvent compter sur les équipes de la Ligue Majeure qui sont là pour les coacher et leur prodiguer des conseils. La discipline plaît au public, car elle ose tout. Les comédiens n’hésitent pas à s’exprimer dans le style de Shakespeare, à passer quelques instants après à celui de Tarantino ou à plonger dans l’univers des superhéros.
Ce nouveau souffle, cette évolution ont été amenés par de nouvelles générations de comédiens et de stand-uppers comme Jamel Debbouze, Thomas Wiesel ou les deux Vincent – Vincent Kucholl et Vincent Veillon – de 120 secondes.
« C’est un style plus libre que le théâtre bien que l’un nourrisse l’autre, précise Pauline Maître. Pour bien restituer une impro à la manière de Molière ou de Cyrano, mieux vaut les avoir lus».
Les jeunes apprentis comédiens et comédiennes ne manquent pas de talent pour revisiter les classiques et les décliner ensuite sans complexe, sur le mode de la blague ou de la parodie. Ils nous montrent que sur scène – mais aussi dans la vie de tous les jours – il ne faut pas avoir peur de se lancer... que dis-je, de s’aventurer, de tenter, de prendre son courage à deux mains!
François Jeand’Heur
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